
Je le savais bien que çà vous manquait mes billets fleuves et longs comme le bras. Bah oui, à moi aussi, pour tout vous dire, surtout que devoir se brider sur certains films m’empêche carrément d’écrire (cf, la critique de « 300« , casse tête inextricable laissé en friche, mais j’y reviendrai un jour, promis).
Alors ce coup ci, pour aborder (arf, visez la métaphore) « Le Bateau », je dis Raus aux petits paragraphes, et vive les tartines. Zut à la fin.
« Le Bateau« , « Das Boot » en allemand dans le texte, étant ein gross film Kult, mérite plus qu’une bafouille. Aller, en plongée maintenant.
Tout commence avec le livre (paru en France sous le titre « Le Stix« )de Löthar-Gunther Buchheim, basé sur sa propre expérience, alors qu’il embarque en 1941 comme correspondant de guerre sur un U Boot allemand afin de réaliser un reportage de propagande « Quelle est belle ma Kriegsmarine« .
L’adaptation cinématographique, entreprise en 1981 par Wolfgang Petersen, qui à l’époque n’était pas encore le tacheron officiel d’Hollywood (nous sommes avant « Air Force One« ), colle au plus près de son support, ainsi qu’à la réalité.
Automne 1941, le fringant U-96 quitte le port de La Pallice (La Rochelle) pour rejoindre l’Atlantique et se mettre en chasse de convois alliés, avec un équipage tout juste arraché aux jupes du IIIème Reich.
Entre l’attente rendue inssuportable par la promiscuité et les tempêtes, et les attaques immanquablement suivies de poursuites avec des cuirassiers anglais déterminés à envoyer ce fichu sous-marin dire bonjour aux abysses, les tensions montent dans le U Boote, poussant le commandant à l’excès de zèle.
Au rythme des « Aleeeeeeeeeeerte! » et des bip-bip de l’Asdic sur la coque du sous-marin, « Le Bateau » est une plongée dantesque, aussi longue que pédagogique et trépidante, qui se paye en plus le luxe d’être le dernier vrai bon film de Wolfgang Petersen.
Sur un scénario magistral et intelligent (numéro d’équilibriste entre le documentaire, le suspens, l’action, l’émotion), les personnages traversent le film en parvenant à déployer un très fort capital sympathie, pourtant pas acquis du départ, la faute à leur nationalité et leurs éventuelles ou supposées orientations politiques (les minots à bord ont sans doute tous fait les jeunesses hitlériennes, le commandant est en ménage avec une nazie…).
Ce tour de passe-passe vient evidemment du fait que dans cet univers quasi carcéral, on en revient très vite à l’humain, délaissant les idéologies. L’équipage obéit aux ordres, mais tente, avant tout, de survivre dans cet enfer que devient le U-96, tour à tour leur pire ennemi et leur dernière chance de salut.
A sa sortie, le film fait figure d’ovni. Tout d’abord parce que Wolfgang Petersen le fera diffuser de deux façons. Une version courte pour le cinéma, et la version longue, prévue comme une série télévisée.
Ensuite parce que, pour la première fois, on prend le point du vue des « méchants« . Aucun autre film d’après guerre n’a alors osé adopter cette vision.
Et pourtant, le pari, gonflé, qui plus est relevé par un Allemand, est réussi. « Le Bateau » ne parle finalement pas autant de la Kriegsmarine que de cinquante types embarqués volontaires pour une guerre dont ils se sentent de plus en plus éloignés, à mesure que la notion de « sacrifice pour la patrie » devient tangible et donc, inacceptable.
Anecdote, révélatrice, lors de l’avant première américaine, quand sur l’écran s’affiche le texte du prologue annonçant que pendant la Seconde Guerre Mondiale, sur 40 000 hommes embarqués à bord des U-Boote, 30 000 ne sont jamais revenus, les spectateurs ovationnent l’hécatombe des « sales boches« . Trois heures, plus tard, alors que les lumières se rallument, la salle, bouleversée, se lève pour applaudir l’équipe du film, qui en est quitte pour soigner ses angoisses de début de projection…
Sans doute est-ce cette crainte, de trop germaniser un sujet potentiellement sensible, qui fait choisir la production, dans un premier temps, Robert Redford dans le rôle du commandant. Finalement, faute à des problèmes de temps et d’organisation, l’idée doit être abandonnée (Ouf…Parce que Mister Montana dans un U-Boote…).
Petersen arrête alors son choix sur Jürgen Prochnow, acteur allemand dont le visage a l’air d’avoir été taillé à coups de serpe, pour incarner Heinrich Lehmann-Willenbrock.
Encore en vie au moment du tournage, Lehmann-Willenbrock intervient comme consultant de Prochnow, afin de l’aider à incarner son propre rôle.
Le film conservera d’ailleurs l’immatriculation du bateau que Lehmann-Willenbrock commandait entre 1940 et 1942 : U-96.
Celui-ci fut entièrement reconstruit pour les besoins du film et réutilisé un an plus tard, pour « Les Aventuriers de l’Arche Perdue« .
Et parce que un bon film, c’est aussi une bonne musique, causons deux minutes de la bande originale composée par Klaus Doldinger, accessoirement saxophoniste et auteur de ce qui deviendra un des thèmes musicaux les célèbres des années 80.
Bon, visiblement à l’époque, on avait le goût des synthé, des flonflons et des nappages dégoulinant. Certes le thème principal est très joli mais il intoxique littéralement la première partie du film (vu en version longue, au passage….6 heures d’une traite…), qui se voit sauvé paradoxalement par la longue série de calamités affligeant le U-96, la musique basculant alors dans un enchevêtement de sons d’ambiance et de mélodies discrètes.
Je noterai tout de même le bon ton du réalisateur, qui choisit de ne pas musicaliser les séquences où les hommes attendent, en plongée, l’explosion des grenades larguées par les escorteurs.
Ces scènes, tout simplement terrifiantes, pendant les « silences« , s’appuyent uniquement sur le ronronnement des hélices et les bip des Asdic, conférant tout se dont le spectateur a besoin pour comprendre l’horreur de ces instants là.
« Le Bateau« , pétri de qualités de réalisation, direction d’acteurs, interprétations (il fait quoi maintenant, l’excellent Jürgen Prochnow, mis à part zoner dans « Da Vinci Code » ? Le gâchis…), est ni plus ni moins qu’un film de référence, que se soit dans son genre, qu’en général, damant le pion à tout les autres films de sous-marins passés ou récents.
Le film, qui peut être repassera un jour en format long à la télévision, est disponible en DVD, avec une jolie édition comprenant quelques bonus sympatiques, dont le making off.
Si après çà, vous n’avez pas envie d’aller visiter une base sous marine cet été, je ne peux plus rien faire pour vous !
Bonjour La Dame
C’est mon premier commentaire sur ton blog, je voulais juste te féliciter pour celui-ci. Comme la plupart des gens, je l’ai connu grâce à tes billets sur GOT (depuis la saison 2) que j’adorais lire. J’aime beaucoup le mix entre analyse cinématographique de l’œuvre et l’humour distillé, notamment par les gifs et autres memes. Surtout pour moi qui n’ai pas un grosse culture du septième art (qui se limite aux classiques de la SF et de la fantasy, plus quelques films épars), c’est toujours un plaisir d’apprendre de nouvelles choses ….et aussi de voir à quel point je n’avais rien compris au film. ^^
Donc je voulais juste t’encourager à continuer, même si les périodes inter-GOTiennes sont creuses, tu as en tout cas gagné un lecteur régulier. 😉
@ Aetius : merci pour ce premier commentaire. En plus, avec un pseudo pareil, tu ne peux être que bienvenu en ces lieux :p
Merci de l’accueil !
Ce pseudo est un héritage du téléfilm (bouuuh je sais quelle honte :p) « Attila le Hun » de 2001. A l’époque, le personnage d’Aetius m’avait beaucoup marqué et depuis je m’en sers de pseudo sur les forums.
…En plus, un pseudo latin, c’est comme pour les citations, ça fait hyper classe !
« Quidquid latine dictum sit, altum sonatur » comme pourrait dire le roi Loth. 🙂
@ Aetius : « ça veut rien dire, mais dans le contexte, je trouvais que ça sonnait bien ! »
Oh, « Attila le Hun », c’est une référence que me fait encore plus aimer votre pseudo parce qu’elle renvoie à ce téléfilm chatoyant avec Gerard Butler dans le rôle principal, quand même. LE Gerard Butler quoi « This is madness!!! -THIS.IS.LA CAVALERIE DES HUNS !!!!! »
Décidément, j’adore.