
Paul Verhoeven est trop fort. Non c’est vrai, quand on voit « Starship Troopers » on ne peut être convaincu que d’une chose : son immense talent.
Déjà parce que ce film a dix ans d’âge et ne semble pas avoir pris une ride : kitsch assumé mais pas cheap, effets spéciaux tenant la route, maquettes faisant penser aux premiers Starwars (un détail qui fait plaisir), discours encore d’actualité (limite visionnaire puisque l’attaque de Buenos Aires et les réactions qu’elle provoque renvoient à un 11 septembre qui à l’époque du film n’avait pas encore eu lieu. Totalement fortuit, mais terriblement juste).
Ensuite parce que « Starship Troopers » est à lui seul un mémorial à la gloire du second degré, une parodie intelligente, une charge ultra violente et archi pertinente contre le militarisme en général et les Etats-Unis bellicistes en particulier.
Verhoeven nous raconte donc les destins de quatre étudiants, purs produits de la Fédération, société ultra-militariste, qui leurs études finies décident de s’engager dans l’armée pour y accomplir leur service contre les parasites, créatures insectoïdes qui menacent la Terre depuis l’autre côté de la galaxie. Tous rêvent de servir l’humanité, de devenir des héros, mais aussi d’accéder au statut de citoyen que l’on n’obtient que par le service actif. La tête bourrée d’images d’Epinal et de beaux discours préfabriqués, ils déchantent bien vite face à la réalité de la guerre…
« Starship Troopers » puise avant tout son succès dans le côté immersif de l’univers proposé. On suit les héros de leur engagement à leurs premières armes sans que rien ne nous soit jamais réellement expliqué, procédé qui force le spectateur à analyser ce qu’il voit (les inserts de spots publicitaires et d’extraits des actualités renforcent encore ce travail), à en tirer des conclusions et à se faire sa propre idée (et voilà en soit une très belle leçon de cinéma…).
Là-dessus s’enchaînent les scènes outrées, les images kitsch (la première partie du film est un vrai cas d’école), les bons sentiments exagérés, le tout dynamitant allègrement toute une imagerie de films de guerre dont nous sommes tous abreuvés (Verhoeven connaît ses classiques et maîtrise parfaitement son art, ce qui reste la seule façon de bien le démonter, seconde leçon de cinéma).
J’ajouterais que le scénario multiplie avec malice les non-dits créant un malaise certain lorsque l’on commence à se poser des questions :
-qui a commencé la guerre ?
-pourquoi les arachnides attaquent-ils ?
-comment les humains sont-ils venus dans leur système et surtout dans quel but ?
-la Fédération n’aurait-elle pas intérêt à entretenir le conflit, l’armée étant la base de son pouvoir ?
-comment les insectes font-ils pour envoyer les astéroïdes alors même qu’ils n’ont pas de technologie spatiale ???
Le résultat de cette somme de questions sans réponse est que l’on se prend à ne plus sourire de cette société carrément totalitaire mais plus du tout risible (surtout pas lorsque paraissent les stratèges sapés comme des SS…), malgré l’emballage chic et choc censé faire passer la pilule.
On remarque d’ailleurs rapidement qu’entre les spots d’actualité insérés comme des pastilles et les scènes du film à proprement parler, la facture est similaire. « Starship Troopers » devient alors un vrai faux film de propagande illusoirement à la gloire du militarisme mais si subtilement vitriolé qu’il s’impose comme un vrai chef d’œuvre subversif dont la force du discours se renforce d’elle-même par l’actualité brûlante, et ce malheureusement, on a envie de dire…
Note : ***
Je pense aller le voir mais est-ce qu’il faut avoir vu les autres films de Malick ou non ?
Apparemment pas puisque tu n’as pas trop accroché au film mais on ne sait jamais.
Si, si, si, je crois même que c’est indispensable d’avoir au moins vu « La Ligne Rouge » et « Le Nouveau Monde » avant celui-ci. Premièrement parce qu’ils préparent le terrain intellectuel, dira-t-on, mais aussi formel, permettant de mieux appréhender un film qui pourrait sembler extrêmement hermétique au nouveau venu chez Malick. Sa narration, aussi fulgurante soit-elle, répond à des schémas de pensée très propres à lui et je pense vraiment que si l’on n’est pas un peu familier de ce style, on peut se prendre « The Tree of Life » comme un mur dans la tête.
« Le Nouveau Monde » a minima avant, donc (à mon avis, cela suffit d’ailleurs largement, ce film étant un hybride entre « La Ligne Rouge » et « The Tree of Life » tant sur le fond que sur la forme). Et en plus, c’est une pure merveille, ce film.
L’avantage de Malick, c’est qu’il n’a réalisé que 5 films. Facile de se lancer dans sa filmo, donc 🙂
Et donc Palme d’Or, à ma grande mais heureuse surprise. Une récompense amplement méritée.
Ce film m’a bouleversé. Pourtant, je n’ai pas aimé « Le nouveau monde », mais là… Dans mon entourage personne n’a prit la peine d’aller le voir (Palme d’or pourtant !!) et quand j’en parle on me dit « Hum…non… c’est un truc spirituel c’est ça ? Bof pas envie de le voir ».
PFFF.
je rajouterai un détail, pas assez souvent souligné sauf par moi : ce n’est pas seulement une critique du militarisme, mais aussi de nous mêmes : car, et c’est là que PV est un dieu, MEME en sachant ce qu’on sait (société militarisée, castes, uniformes -très jolis- genre nazi, propagande, humains ayant peut-être commencé la guerre), oui, même là, on ne peut s’empecher de vouloir que toutes ces pourritures arachnides soient butées, mégatonnisées, nucléarisées, parce que bon, elles sont vraiment trop moches.
Non ?