Le rôle de sa vie, se fut celui du Dahlia Noir, cadavre atrocement mutilé abandonné sur un terrain vague le 15 janvier 1947.
Pour James Ellroy, elle s’appelait aussi Geneva Hilliker Ellroy et elle avait 43 ans. C’était sa mère, assassinée sans que l’on ne sache jamais par qui et pour quoi.
Exactement comme Betty Short.
L’écriture d’Ellroy est une force créatrice effrayante, de par sa capacité à redonner vie plus qu’à restituer les ombres du passé.
Los Angeles se fond dans son âge d’or en même temps que ressuscitent les starlettes, la pègre, les nababs, faune bigarrée et malsaine dans laquelle on s’immerge, entre dégoût et fascination, partagé entre l’impression d’entrer dans un costume d’époque ou un déguisement du théâtre rejouant une époque révolue.
L’attraction provient sans doute en grande partie de ce que ces années quarante sont encore atrocement vivantes pour l’auteur, enfermé dans ce passé trop difficile à oublier.
Chargés de l’enquête, les deux flics Blanchard et Bleichert, qui finiront par ne faire plus qu’un, se font littéralement dévorés par l’enquête, l’obsession de Betty Short, dans une traque lente, dévastatrice, plongée dans la cité de tous les vices, repoussant avec un plaisir malsain les limites de la perversité.
Les personnages traînent leurs blessures et leur mal être au fil des pages, sans réel espoir de guérison, l’affaire du Dahlia ne faisant que rendre les choses plus difficiles.
Les histoires s’embrouillent, se confondent, se répondent, plongeant à chaque fois les héros un peu plus profond.
« Le Dahlia Noir », autant égoïste et autobiographique qu’universel de par les thèmes développés, bien que se soldant d’une conclusion faiblarde (parce que totalement imaginée) est un pur chef d’œuvre, d’une puissance narrative et évocatrice peu commune. Ellroy a quelque chose d’un magicien, ou d’un nécromant. Betty Short hante ses pages, triste fantôme.
Note : ****