Chronique d’une chute annoncée et confirmée par le visionnage de la saison 1 de « True Blood », le nouveau show avec des morceaux de vampires dedans.
Créée par Alan Ball (père de « Six Feet Under », meilleure série de tous les temps après « Deadwood », et scénariste sur American Beauty : que de la qualité, donc), « True Blood » avait tout pour me plaire, sauf que, la série en demi-teinte, ne sait pas justifier une seconde son propos d’origine pour réussir brillement là où on ne l’attend pas.
En quelque mot, l’univers de « True Blood », adaptation des romans de Charlaine Harris (« The Southern Vampire Mysteries« ) , se situe dans une réalité alternative dans laquelle les Japonais ont enfin réussi à synthétiser le sang humain. Alors que les camions de don du sang partent tous à la casse, la communauté des vampires saisit sa chance pour faire son coming out et réclamer les mêmes droits que tout un chacun.
Ainsi commence la cohabitation entre le peuple de la nuit et les mortels.
Le parti pris de la série aura au moins le mérite d’être original. Non pas centrée sur les vampires mais les mortels, « True Blood » écarte du coude la tentation de situer l’action dans une grande cité comme New York (trop facile pour le quotidien des vampires), ou de se payer la Mecque des suceurs de sang, la Nouvelle Orléans.
Non, nous vivrons les évènements à Bon Temps, Louisiane, petite ville coincée dans le marais, microcosme d’une Amérique profonde pleine de paradoxes et de contradictions.
HBO, vous l’avez compris dans le billet sur les séries historiques, est la reine des génériques. « True Blood » ne fait pas exception à la règle, en présentant par quelques images toute l’essence de la série, restituant parfaitement la crasse et l’hypocrisie de ce Sud arriéré.
Si très rapidement, les vampires ne sont plus qu’un prétexte à faire durer la sauce (l’affaire du procès de Bill, mise à part pour la très fun création de Jessica ne sert strictement à rien), ceux-ci gardent malgré tout un rôle central, la question de leur intégration renvoyant immanquablement à celle des Noirs, dans un passé pas si lointain que cela.
Dans cette ville chrétienne sans doute farouchement électrice de Bush, l’acceptation de l’autre reste délicate et souvent pleine de situations contradictoires. De là, part une analyse assez fine des mécanismes d’intégration vue au travers des efforts de Bill pour se faire aimer des gens de Bon Temps, au risque de se mettre à dos les siens, préférant le communautarisme au mélange.
Y’a pas à dire, les vampires, c’est plus ce que c’était.
Le seul problème avec ces vampires, c’est qu’ils sont finalement dispensables. En marge de l’intrigue principale, à savoir des meurtres en série (car le mobile du tueur est aisément convertible en excluant les vampires de l’équation), ils évoluent dans leur monde, sans apporter finalement un grand intérêt au récit.
Un intérêt déclinant en partie dès l’épisode un la faute à Stephen Moyer aussi charismatique qu’une savonnette et qui se confirmera par l’apparition d’autres représentants de son espèce (en tête de gondole, Alexander Skarsgard : « Je suis Erik, le vampire platine, gröt »), et qui ne s’arrange pas lorsque l’histoire de Bill va devenir indissociable de celle de l’héroïne.
Contrairement aux apparences, ceci n’est pas l’affiche de Twilight II. On s’y croirait, pas vrai ?
Car j’ai rarement vu aussi mauvaise qu’Anna Paquin.
Alors aussi mauvaise qu’Anna Paquin dans « True Blood », il faut le faire. Sa prestation renvoie celle de Fran Drescher dans l’ensemble de son œuvre à de l’Actor Studio.
J’ignore pour quelle obscure raison le rôle de Sookie Stackhouse est tombé sur ses épaules, mais le fait est qu’elle est incapable d’assumer les complexités de son personnage, nulle dans les scènes romantiques, pitoyable dans les scènes d’émotions, fade dans le reste.
Dès lors, dur dur de ressentir la plus petite empathie pour elle et de s’intéresser à son pouvoir (elle lit dans les pensées) dont on se fout du tiers comme du quart, d’autant qu’il ne lui sert vraiment à rien du tout (elle a le chic pour l’utiliser aux moments où on est à peu près sûrs qu’elle ne va rien entendre d’intéressant, et se fait avoir comme une bleue à la première occasion).
Il est loin le temps où elle s’en sortait comme une chef dans « La Leçon de Piano »…
Et je me demande comment a-t-elle pu choper un Golden Globe pour sa prestation…
Vous prendrez bien une orangeade avec çà ?
Juste pour le fun, le scénario rajoute rapidement aux vampires quelques pistes intéressantes sur les autres communautés de freaks qui vivent encore dans l’ombre et ne tarderont sans doute pas à en sortir.
L’intérêt pour ces créatures est pour l’instant limité, sauf si la saison 2 parvient à développer ce thème, comme le laisser deviner le personnage de Maryann, la mystérieuse bienfaitrice de Kara (laquelle bienfaitrice est jouée par l’amiral Caine de Battlestar Galactica. Moi si j’étais eux, je me méfierais…).
Bad ass Tara : finalement, si c’était elle, l’héroïne ?
Finalement, l’intérêt de « True Blood » réside davantage dans le portrait de cette société, en restituant parfaitement l’ambiance moite et lourde d’une Louisiane de bouseux allant à la messe le dimanche pour s’adonner à leurs pires vices la nuit venue.
Dès lors, les vampires peuvent presque apparaître comme des modèles d’intégrité, comparés aux humains, les uns n’ayant pas l’hypocrisie des autres.
Dans cet univers, la question de la race est omniprésente. Les Noirs se braquent immédiatement, croyant voir du racisme partout (Tara, personnage à fleur de peau est emblématique de cette attitude nourrie par des années, voire des siècles de ségrégation), les Blancs répètent à l’envie que chacun doit rester chez soi, la Guerre de Sécession est terriblement vive dans les mémoires et célébrée régulièrement avec une nostalgie un peu inquiétante.
Autre thématique de fond, l’addiction, est traitée en frontal, avec beaucoup de clairvoyance, au travers du personnage de Jason, qui va lentement plonger dans le V Juice, la came de luxe, à base de sang de vampire. Du premier shoot raté au manque, en passant par le rituel initiatique puis le drame, toute la spirale est brossée sans complaisance, les mécaniques misent à jour sans complexes.
Johnny de Deadwood a du avoir des enfants. Celui là est forcément de la même famille…
Car série HBO oblige, « True Blood » ne s’embarrasse d’aucune sensibilité, montrant tout sans concession, dévoilant ainsi un visage réaliste de la société de Bon Temps, laquelle tient finalement plus du village de freaks que de la charmante bourgade de province.
Ceci dit, des dialogues maladroits, des cliffangers mal fichus à la fin de chaque épisode, des révélations que l’on voit venir à des kilomètres (dont le pauvre Sam Merlott va faire les frais), des invraisemblances gigantesques (le métamorphe connait l’odeur du tueur, qu’il voit tous les jours, mais ne fait le rapprochement que dans le dernier épisode…) jusqu’à un season final donnant sa pleine mesure à l’idée selon laquelle les vampires sont décidemment des faire-valoir dans cette série, achèvent de convaincre que l’on ne regarde décidément pas un programme qui restera dans les annales.
Un gâchis, si l’on considère les partis pris audacieux et courageux d’une série se vautrant malheureusement dans le sensationnel.
Note : **
PS : servie par une remarquable campagne de pub produite par BloodCopy.com (dont vous avez deux exemples d’affiches sur ce billet), « True Blood » a eu le mérite de se propulser, après de modestes débuts (encore moins que « Big Love« ) parmi les plus gros succès d’audience de HBO, égalant le record des « Sopranos » ou de « Sex and the City« .
Cà tombe bien, la chaine était au bord du dépôt du bilan. Pas sûr que cela lui maintienne la tête hors de l’eau, mais si cela peut sauver la producution de « Games of Throne« , je veux bien acheter tous les produits dérivés, même adopter un vampire (comme Angelina dans la série, clin d’oeil que j’avais trouvé très amusant).