Il était une fois un tout petit musée perdu au fin fond d’une base de sous-marins que de vils touristes partirent lâchement assiéger, alors même que la place n’était défendue que par quatre fiers, farouches mais néanmoins adorables petits travailleurs sous-prolétarisés (dont un a cette curieuse manie de chanter l’hymne soviétique, mais passons…).
Lâchement certes, mais rationnellement, parce que bon, à 200 et quelques par jours calmes, avec nos petits bras musclés, on ne peut pas faire grand-chose pour les retenir.
Bref, tout çà pour vous dire que sous cette vision post apocalyptique de la vie culturelle d’une ville de Bretagne Sud, se cache une difficulté bien naturelle à me rendre, sur les coudes, dans une salle de cinéma.
Enfin si, j’y arrive, mais uniquement pour les bons vieux films de mayrde, vous avez dû le remarquer.
Fatigue et bon goût font rarement bon ménage.
Pour compléter ma collection des blockbusters faisandés de l’été, quoi de mieux qu’un bon vieil « Harry Potter » de derrière les fagots ?
Ah, la magie filmée comme une séance pâte à crêpe, les combats en gros plan, les courses de balais en shaky cam, les lourdeurs scénaristiques et les acteurs approximatifs, bref le massacre sauvage d’un très bon souvenir de lecture à grand coup de « mais c’est une adaptatiiiiiioooooon ! »
Argument fallacieux s’il en est. On me l’a déjà servi avec « Le Seigneur des Anneaux », et j’ai passé les 10 dernières années à tenter de prouver que non, une bonne adaptation, ce n’est pas se contenter de suivre les lignes générales de l’histoire en balançant moult effets de manche cache misère.
Adapter c’est retranscrire l’esprit, le fond, et pas forcément la forme.
Suis-je bien claire ?
Pas sûr, mais tant que je me comprends, c’est l’essentiel, je peux continuer à écrire tout en surveillant ma montre afin de savoir quand je dois retourner à la chaine de montage des audio guides.
« Union Soviétique,
Pays merveilleux… »
Silence, j’essaye d’écrire…
Mes lecteurs les plus assidus le savent : quand un billet commence à dériver sur ma vie, la politique ou pire, de vieux traumas mal digérés comme le Seigneur des Anneaux de Peter Jackson, c’est que je n’ai rien à dire sur le film que je m’apprête à critiquer.
C’est vrai que j’emploierais mieux mon temps à écouter la discographie complète de Hammerfall. Ou de Henrik Ibsen, peu importe, du moment que çà vienne du nord et que çà me dépayse.
Parce que question dépaysement, avec « Harry Potter », on repassera…
Si je n’ai pas envie de parler de ce dernier volet de la saga Harry Potter, c’est bien parce qu’il n’y a rien à en dire. Après une première partie intéressante à défaut d’être enthousiasmante, cette conclusion en forme de baudruche dégonflée n’est même pas une amère déception.
Si encore cela avait été le cas, j’aurais pu cracher ma bile et vous auriez pu loler sur la tombe de Voldemort. Revoyez vos ambitions à la baisse, jeunes et moins jeunes gens, « Les Relique de la Mort, vol.2 » c’est un scénario allant bêtement d’un point A à un point B, une réalisation lisse, et un casting qui semble pressé d’en avoir fini. Comme la spectatrice que j’étais, et qui s’est ennuyée de bout en bout.
« Facile, tu avais lu les bouquins, tu n’as eu aucune surprise ! Forcément, tu t’es ennuyée !«
Mais bien sûr…
Parce que je l’avais lu trouzmille fois au moins, je connaissais « Le Seigneur des Anneaux » par coeur. Est-ce que je me suis ennuyée pendant la projection ? Non. Je me suis contentée de me tordre de douleur devant chaque travestissement de personnage adoré, mais globalement, le traitement par l’image de mon poème épique chéri m’a captivée.
Crossover.
Que je connaisse la vraie histoire de Rogue et le destin d’Harry Potter ne devait en rien amoindrir le visionnage de ce produit de grande consommation qui a le mérite de proposer deux trois jolies scènes et, comme annoncé par le précédent volet, enfin un peu de violence.
Car contrairement aux livres qui avaient su grandir avec son public, les films eux, avaient sacrifié à la classification tout public, histoire de rentabiliser au maximum l’opération.
Bon, ce n’est pas moi qui viendrait faire ma chouineuse sur les logiques de l’industrie du cinéma, mais lorsque celles ci sont un frein au développement artistique d’un projet finalement ambitieux sur le papier, çà me laisse plutôt dubitative.
« Harry Potter » au cinéma est une longue route de 10 ans (déjà…) très inégale, qui aura connu 4 réalisateurs différents pour une évolution franchement décevante sur le long terme.
Après les sympathiques et efficaces introductions par Chris Colombus que furent « l’Ecole des Sorciers » et « La Chambre des Secrets », la sage attint son top qualitatif avec le troisième volet par Alfonso Cuaron, qui avait su compenser son scénario hyper élagué par une mise en scène torturée et respectueuse de l’évolution des personnages.
Vint ensuite Mike Newell, avec un scénario mieux équilibré, centré sur le point de vue de Harry, mais un peu trop timoré dans sa réalisation au point de faire de « La Coupe de Feu » et de la première confrontation entre Harry et Voldemort un simple passage obligé vaguement désincarné.
Guère satisfaisant, le quatrième volet ne laissait en aucun cas présager du naufrage qui suivrait, avec l’arrivée de David Yates derrière les moniteurs, qui associé au scénariste Steve Kloves, n’allait pas tarder à faire des étincelles.
Plus habitué aux fictions BBC qu’aux grands spectacles épiques, Yates n’est pas à l’aise dans la saga « Harry Potter ». Nullement intéressé par la mise en scène de la magie, il relègue cette dernière au rang de figurante, assassinant son côté fun et baroque, très présent dans les livres, au profit d’un humour un rien méprisant pour cet univers décalé et gentiment fou.
Des personnages en plein tourment métaphysique et émotionnel, il préfère développer les peines de coeur, faisant basculer les trois derniers films (sauf le tout dernier volet, j’y reviendrai) dans la comédie romantique sans subtilité.
Pleure pas Hermione, c’est fini…
Plus à l’aise dans le registre du drame intimiste, Yates avait pourtant réussi un vrai challenge en rendant le long camping de Harry, Ron et Hermione dans « Les Reliques de la Mort, vol.1 » profond et réellement émouvant. Emblématique de son incapacité à gérer le grand spectacle et l’action, le dernier acte, clos par la mort de Dobby, s’avérait mou, sans émotion et expédié par dessus la jambe.
Cette fin donnait l’orientation générale du dernier volet, dont visiblement tout le monde avait envie de se débarrasser rapidement, si j’en crois la propention du scénario à envoyer les personnages d’un point A à un point B sans se donner la peine de raconter quoi que se soit.
Dès lors, on a l’impression de voir se succéder une série de scènes imposées tournées avec le minimum syndical de créativité, reliées entre elles par du remplissage sans saveur ni intérêt.
On notera l’excellence du déguisement de Ron.
Deux exemples édifiants :
-Harry, Ron et Hermione rencontre Abelforth Dumbledore : déjà, quand on caste Ciaran Hinds, ce n’est pas pour le faire causer deux minutes de la pluie et du beau temps. Ensuite, quand on fait semblant d’introduire dans le volet précédant des indices sur des révélations à venir quant au passé d’Albus Dumbledore, on essaye un minimum de les développer.
Au lieu de çà, on le voit râler pendant un temps infini, on tente de caser deux trois allusions comprises par les lecteurs seuls sur la famille Dumbledore et on passe à autre chose. Hmmmm… Su.Per.
-Rogue demande aux élèves de Poudlard de dénoncer leurs voisins communistes Harry Potter qui est caché dans le château : s’il a gagné, avec son nouveau statut de directeur, le droit de faire un shampooing tous les jours, Severus Rogue a perdu tout son mojo. Lequel est donc concentré dans son sébum, cqfd… Car au moment de faire un discours super flippant, Alan Rickman (et çà me fait mal de l’écrire) semble bouffi endormi, et singulièrement pas du tout concerné par ce qu’il se passe autour de lui.
Voilà comment le film va se contenter de remplir son cahier des charges, en restant centré sur Harry au détriment du reste des personnages, jusqu’à atomiser toute parcelle d’émotion dans la scène du premier baiser de Ron et Hermione après laquelle on s’entend penser « bon, çà, c’est fait… » avant de passer à la suite.
Les morts de Lupin et Tonk, de Fred (ou George, qui s’en soucie dans le fond ?), même pas les passages censés apporter un peu de sentiment où nos héros traversent le champ de bataille sur fond de violon suintant très fort « attention, tout ceci est à la fois tragique et épique ! Pleurez bonnes gens ! » ne se donnent même pas la peine d’avoir l’air convaincant.
Et que dire de la 3D largement dispensable pour ce film qui n’est à aucun moment taillé pour ce format. Et que je te colle des arrières plans flous (Oooooooh…..), et que je te rate la scène avec le dragon en ne produisant jamais aucun effet de suspension, et que je te fais un film tout noir, plus noir qu’ « Alice au Pays des Merveilles de la 3D moche ».
Un des jet de charisme les plus foirés de la décennie.
Ah parce que pour être noir, c’est noir. Atroce même. Et bien symptomatique d’une réalisation de tâcheron qui raisonne comme suit : « Il se passe des choses trop dark dans ce film, donc mes images seront toutes grises, pour traduire l’état d’esprit, tu vois quoi… ».
Mouais. Déjà l’argument me convainc moyennement. Ensuite, quand on décide de faire un film en camaïeu gris anthracite, on s’abstient de le convertir en 3D. Non parce que faire des brouzoufs c’est une chose, mais exploiter un 3D un film qui n’est pas cadré, pas pensé et surtout pas éclairé pour, çà fait très très mal aux yeux.
Même le sort Lumos ne suffit pas à rendre un peu de couleur à ce film.
Et cette très mauvaise idée achève d’assassiner le film et les quelques plans pas du tout mal pensés sur Poudlard (l’ouverture, le combat final) et l’évasion de chez Gringott’s (un beau dragon, mais excessivement mal employé).
Le plus triste dans tout cela reste le sentiment que génère l’épilogue poussif, filmé comme chez Mémé, joué avec les pieds, et sans aucune portée, car tué dans l’œuf par les carences accumulées depuis trois films maintenant.
Un final qui m’a laissé un goût amère dans la bouche et cette réflexion désagréable : « Youpi, c’est fini. »
Alors qu’à la lecture, le sentiment avait été inverse.
« Ahah, Voldy, I’m here, raping your childhood memory ! »
Certes, je n’attendais rien de David Yates sur ce dernier épisode, même si sa première partie m’avait donné de l’espoir. J’aurais du me douter après le pitoyable « Prince de Sang Mêlé » qu’il ne parviendrait pas à rendre épique, magique, dramatique ou même autre chose que soporifique cette conclusion.
« Harry Potter » est sans doute la première victime de la loi de « l’adaptation nécessaire » qui veut que tout best seller soit illico porté à l’écran, peu importe la qualité, ou l’intégrité du projet. Comme si le livre ne suffisait plus et que la transposition à l’image était le nec plus ultra pour tout lecteur en mal de prolonger l’expérience.
Seulement, adapter n’est pas transposer. C’est traduire, inventer de nouvelles façons de restituer l’esprit, parfois au détriment de la lettre, mais toujours au service d’une logique narrative.
« Harry Potter » vient de s’ajouter à la longue liste des livres à relire absolument, histoire d’oublier cette déplorable expérience filmique.
Note : * (et je ne sais même pas pourquoi exactement, je suis de bonne humeur, sans doute)
PS : car je sais m’incliner devant le génie, parfois : L’Odieux Connard, pour vous servir.