I want to believe

Les températures ont brutalement chuté aux alentours de -37°. Et comme j’ai la chance de vivre en Bretagne et pas en Sibérie, forcément, le temps n’est pas juste froid et sec, il est glacial et HUMIDE.
Et l’humidité, c’est le pire. Sérieux, essayez de tenir stoïquement 4 heures dans un bunker saturé de flotte avec la porte ouverte aux quatre vents déversant sur votre face des rafales de vent froid tout en essayant maladroitement de tenir votre bouquin ouvert, et, plus extrême encore dans l’aventure, de le lire malgré vos tremblotements : « The Hobbit » à ressors, une version jamais encore publiée. J’ai du relire un truc comme 15 fois la même ligne avant de comprendre que mince, si, il s’était déjà réveillé il y a plus d’un quart d’heure, Smaug.
Après un dimanche aussi puissamment MERDIQUE, il n’y avait guère en ce début de décembre qu’un bon vieux film de Noël de derrière les fagots pour me remonter le moral, enfin si on exclut le fait qu’un film de Noël vous renvoie toujours à l’angoissante perspective des frakking cadeaux, une discipline de sociabilité dans laquelle j’excelle grâce à ma maîtrise l’art subtil et délicat du fail.

[Aparté : Urgences.

«-Docteur Docteur ! Docteur Docteur !
Allons, calmez-vous infirmière Chapel, c’est un hôpital ici. Vous vous prenez pour Nadine Morano à gueuler comme ça ?
Docteur, c’est affreux ! Il semblerait que le nouveau billet de La Dame parte SUPER mal. Mais mal du genre intro qui démarre que des trucs donc tout le monde se fout, et considérations sans intérêt sur on sait pas trop quoi enfin bref, elle va sans doute causer d’un film pourri, hors tout semble indiquer dans ses analyses qu’elle a en réalité plutôt aimé le film en question !
Et c’est pour ça que vous vous permettez de me déranger pendant que j’étais occupé à rien foutre ?
Docteur Docteur, pardonnez mon outrecuidance, dans attendu que vous êtes non pas un vrai médecin mais une chanson de UFO, vous ne foutez en général jamais rien, à part annoncer le début d’un concert d’Iron Maiden.
Non mais ! C’est pas vous qui venez tout droit de « Star Trek » qui allez… OhmonDieu, infirmière Chapel… Regardez-moi ça !
Quoi, docteur ?
Nous sommes en train de prolonger inutilement cette intro. La vache elle est forte quand même !!!! »

Fin de l’aparté : Urgences]

Et ouais, mais trêve d’embrouillage et début de parlage du film.

« Les Cinq Légendes », c’est avant tout un trailer qui faisait peur à sa sortie, la faute à une direction artistique très audacieuse imposant des styles visuels très marqués à ses personnages, au risque de laisser penser que leur mariage ne pourrait être heureux.
Que tu crois.

En réalité, le dernier Dreamworks rejoue la même carte que « Dragons ! » à savoir qu’il risque tout visuellement mais ne cesse de prendre des paris gagnants. Jusqu’à soutenir totalement la comparaison avec le pourtant sublime « Rebelle » de Pixar, et proposer une 3D parfaitement employée dans le moindre de ses effets (sérieux, la neige, les grains de sable, et puis ce dernier plan qui s’avère être le plus bel emploi de l’effet de jaillissement de l’histoire de la stéréoscopie => une image, un effet, une histoire => jackfrostpot).

Non content de proposer un très bel habillage, Peter Ramsay signe une mise en scène particulièrement élégante, qui elle aussi se plie aux styles des divers personnages. Sa chance est aussi de pouvoir s’appuyer sur un scénario solide qui ne sacrifie aucun second couteau (contrairement à « Rebelle » qui faisait le choix de reléguer le père et les frères de Merida au rang de ressors comiques) tout en conservant la touche Dreamworks (side kicks un peu cons uniquement présents pour faire des blagues : ici les elfes et les yétis, mais dont les apparitions sont assez rares pour éviter l’effet de saturation).
Comme dans « Dragons ! », le film tourne ici autour d’une quête d’identité pour un personnage principal en marge. Jack Frost, l’esprit de l’hiver, peine à trouver sa place dans un monde où personne ne croit en lui et mène une existence solitaire au milieu d’humains qui ne le voient pas. Rapidement le film le dote d’un miroir, Pitch Black, le Croquemitaine, lui aussi en quête de reconnaissance.
C’est peut-être là où le bât blesse d’ailleurs un peu dans « Les Cinq Légendes ». Alors que l’ambition narrative est réelle et que les enjeux sont de taille (lutter contre la peur et les cauchemars, pour l’émerveillement et le rêve), le film échoue un peu à faire ressentir l’importance que revêt cette lutte pour les personnages. Bien que les créatures monstrueuses de Pitch Black soient superbes, tout comme la mise en scène du Croquemitaine, l’ensemble reste presque trop doux pour susciter l’inquiétude.
Et sur l’ensemble du film, on peut déplorer le manque de force des climax, qui peinent à atteindre la dimension épique que revendique pourtant le Père Noël.

Si vous pensiez retrouver l’équivalent de « Dragons ! » en la matière, vous serez déçus. Cependant, il serait malhonnête de rechercher à tout prix dans « Les Cinq Légendes », qui est et reste avant toute chose un conte pour enfant à la sauce XXIe siècle (« faut surtout pas leur faire trop peur, les pauvres… »), le même ton que dans le film d’aventure précédent. Et d’ailleurs, sur le strict plan du conte, « Les 5 Légendes » assurent plus que leur part, en proposant une richesse de fond capable de générer différents niveaux de lecture : quête initiatique, mythologie, discours sur la peur, métaphysique, retour à l’émerveillement… Le film se rend capable de brasser tout cela et d’être, excusez du peu, un très bon film d’équipe de super-héros. Il est d’ailleurs désolant pour la franchise Marvel de voir qu’en 5 films dont un « Avengers », elle s’est montrée totalement inefficace à créer des personnages solides et à les faire interagir correctement, chose dont « Les Cinq Légendes » se rend capable en moins de deux heures de temps.

Parce que renforcé par des univers visuels riches appuyés par une réalisation inspirée et une direction artistique jusque boutiste, « Les Cinq Légendes » sont une vraie plongée tête la première dans l’univers des contes, qui s’offre le luxe de séquences sublimes, impose sans en avoir l’air la présence d’une entité supérieure, l’homme de la Lune, auquel Jack s’adresse parfois pour tenter de comprendre qui il est, ce qui ne fait que renforcer davantage encore le caractère mythologique du récit, lui conférant une profondeur qui n’étonnerait personne chez Pixar.

Marque d’un grand film (live ou d’animation d’ailleurs), « Les Cinq Légendes » s’affranchit de cette manie qu’ont pourtant trop souvent les films destinés au jeune public, celle de chercher à tout exprimer par le dialogue, afin de surligner les enjeux, les sentiments ou les émotions qu’il faut ressentir. Ici, le film se fait autant confiance qu’il fait confiance à son public pour comprendre la solitude de Jack, le courage du Marchand de Sable (un personne muet s’exprimant en rébus, riche trouvaille visuelle).

Il est donc une fois encore dommage que d’une ambiance aussi subtilement travaillée, et d’une galerie de pareils personnages soit sorti un beau film un peu mou.
Mou, mais qui vient de faire chuter « Rebelle » de son piédestal. Facilement en plus.

Note : ***

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