C’est vrai que la période post « Game of Thrones » a quelque part du bon : elle ouvre directement sur le long tunnel des blockbusters estivaux (*message subliminal* « PacificRimPacificRimPacificRim »). Et quoi de mieux pour ouvrir le bal qu’un bon vieux survival SF des familles ?
Hein ?
Quoi de mieux ?
« Predator », « Pitch Black », par exemple.
« Ah bah c’est sûr, en casant un film avec Baboulinet PLUS ton point John Mc Tiernan de la semaine, forcément, hein, tu pouvais pas trouver ça bien ! »
Déjà, flûte. Ensuite, Free McT. Après, si on n’est pas un minimum exigeant dans la vie, on finit par trouver Nabila drôle ou à penser que les mots qui sortent de la bouche de Nadine Morano ont un sens.
Bref, il me faut vous le dire, l’ouverture du bal des blockbusters estivaux est exécutée par : des gens qui ont inventé le voyage spatial mais pas le pistolet, des extraterrestre un peu cons, un poulet, des singes et même … »UN OURS ! » … Non, sinon le film eut été awesome. Non, juste un acteur plongé dans les affres d’une crise de narcolepsie pendant tout le tournage. Une maladie terrible qui lui a sans doute été transmise par Ryan Goslin. Ou Kit Harrington. Vacherie.
Ouais, j’ai essayé de me dire ça devant une araignée, ça n’a pas fonctionné
Assister au déclin d’un artiste est une expérience à la fois désespérante et fascinante. Regarder Tim Burton et M. Night Shyamalan devenir leurs propres ombres, répétant à l’envie leurs motifs et leurs obsessions en les tronquant, les corrompant, les radotant jusqu’à la nausée a quelque chose de très instructif.
Qu’est-ce-qui sépare le bon du mauvais film quand un même réalisateur accouche en l’espace de quelques années d’un chef d’œuvre puis d’une sombre daube dont personne n’aurait osé dire du bien si un nom prestigieux n’apparaissait pas sur l’affiche ? (la réponse n’est pas « il voit un scénario qui bouge, il tire« . Sauf si c’est Mickael Bay)
Observez le nom du vaisseau en haut à gauche : tous ceux qui comme moi ont lu « HERPES » la première fois lèvent la main.
Le cas Burton est à ce titre édifiant, mais M. Night Shyamalan n’est désormais plus en reste. Avec ce handicap de n’avoir jamais été vraiment le chouchou des critiques, que se soit dans sa période blanche ou sa période noire. Contrairement à Burton qui n’a jamais été tant adulé que depuis son entrée dans le coma (période « Big Fish » et suites).
M. Night Shyamalan a longtemps été considéré comme un réalisateur de films à twists. La faute à son premier et fulgurant succès, « Sixième Sens », qui en fit dans l’esprit de la critique et du public un genre de néo Hitchcock spécialisé dans les révélations fracassantes.
Une image qu’il aura cherché à détruire dans toutes ses œuvres suivantes, en proposant des anti-twists, en explorant ses thèmes de prédilection, parfois jusqu’à les faire passer peut-être un peu trop fortement devant ses histoires. Je pense là à « Signe », dont on a beaucoup décrié l’incohérence majeure, des aliens allergiques à l’eau qui attaquent la Terre vêtus de simples slips, au risque d’oublier que Shyamalan n’en avait dans le fond pas grand-chose à foutre, des aliens. L’important, presque l’obession dans sa filmographie reste la famille. Son thème de fond, son motif absolu. Il n’y a pas un seul de ses films (je n’ai pas vu « Le Maître de l’Air », donc à vous de me dire si cette thématique et présente ou non) qui ne parle pas, presque avec une constance maladive, de réunion de la famille.
Thème spielbergien en diable que celui de la cohésion de la cellule de base, qui chez Shyamalan apparaît toujours comme désunie en début de métrage, l’intrigue ne pouvant se conclure qu’une fois les liens entre les différents membres qui la composent se retissent.
« Signe » en est l’exemple parfait, car au repas (une Cène, très clairement) succède la nuit de l’attaque au terme de laquelle les aliens s’en iront, vaincus par un verre d’eau dans la gueule (voilà pourquoi j’ai un vaporisateur rempli d’eau thermale dans chaque pièce de ma maison. On ne sait jamais).
« The Happening » (au titre français, comment dire… « Phénomène ») reprenait exactement la même structure, présentant la fin de l’attaque des spores à l’instant où se reforme/se forme la famille, réunie par la promesse de sa mort imminente.
« La Jeune Fille de l’Eau » s’achevait lorsque les habitants de l’immeuble unissaient leurs pouvoirs/rôles respectifs afin de défaire la créature traquant l’héroïne. Une héroïne qui rendait ainsi au triste et esseulé gardien de la résidence, la famille qu’il avait perdu.
Le deuil joue aussi un rôle crucial dans la filmographie de Shyamalan. C’est d’ailleurs souvent l’acceptation de la mort qui déclenche la fameuse réunion familiale par laquelle le film peut se conclure.
Dans le fond, l’ensemble de sa filmographie peut s’apparenter à une variation de ces deux thèmes inextricablement liés.
Mais en aucun cas peut-on la relier à une quelconque notion de twist. Il n’y en aura eu qu’un seul, celui du « Sixième Sens ». « Incassable », qui reste à ce jour de très loin le meilleur film de son auteur n’est en aucun cas un film à twist. Puisque tout le film durant, le personnage de Samuel Jackson, se décrira lui-même comme l’antagoniste du héros (un héros dont la famille brisée va se reconstruire à partir de sa supposée mort au début du film). D’ailleurs, une connaissance suffisamment bonne des mécaniques des comics et plus largement des récits légendaires, suffisait à éventer rapidement le retournement final, qui Shyamalan a très clairement choisi de ne pas présenter comme tel.
Idem avec « Le Village », communauté soudée par la peur, qui crame son faux twist vers la moitié du film, en révélant la nature des monstres et les origines du village.
J’en viens ainsi à la peur, qui dans ce dernier exemple constituait une thématique de fond. La peur et même les peurs, ciment de la communauté, réfugiée dans un passé artificiel afin de fuir un monde qu’elle ne comprend plus, qui l’effraye et dont elle veut se soustraire en s’enfermant dans une vision idéalisée, un âge d’or. Le cocon rassurant du village est alors très logiquement formé d’une barrière invisible, une légende, fondée sur l’exploitation des peurs primales de ses jeunes habitants : les monstres tapis dans la forêt, et un code de conduite à respecter pour préserver l’équilibre (ne jamais franchir la lisière des bois, ne jamais porter la couleur rouge, symbole de violence, de mort, allons encore plus loin, de la prostitution donc des dépravation de la société que les fondateurs voulaient fuir).
C’est en affrontant sa peur que l’héroïne parvient à sauver l’homme qu’elle aime, assurant la pérennité et l’harmonie du système en préservant le secret du village.
Le film a été longuement décrié à sa sortie comme une certaine apologie de l’isolationnisme, des critiques obéissant à leur tendance parfois agaçante à considérer un film comme une leçon de vie. Bien que jamais Shyamalan n’ait tenté de faire de ses héros des modèles à suivre. « Le Village » est une illustration de ce qu’est la peur et ne va pas chercher au-delà une prétendue glorification du mode de vie des Amish. Mieux vaut y voir un questionnement sur la gestion de la peur, et les limites de son rejet.
Oui, je l’ai mise deux fois parce que c’est la seule image avec une émotion sur le visage de Jaden Smith. Un document rare. Et que je lis toujours HERPES.
Et si j’en passe par cette longue introduction sur la filmo de Shyamalan, c’est uniquement pour mieux mesurer le fossé entre cette première et brillante partie de carrière et ce que le réalisateur est devenu depuis quelques années. « After Earth » étant clairement la confirmation de sa mort cérébrale.
Heureusement, et à l’inverse d’un Burton qui sur « Alice » avait renoncé à toute prétention artistique pour pondre une croûte de commande absolument indigne de son talent et de son public (il redresse cependant la barre avec « Dark Shadows », enfin si on aime son esthétique de parc d’attraction), Shyamalan garde un sens de l’image qui permet à « After Earth » de garder la tête hors de l’eau. La composition de certains cadres, sa réussite visuelle de ses plans iconiques font d’autant plus regretter l’absence totale d’implication du réalisateur pour son projet.
Ceci dit, sachant qu’il est devenu un « yes man », pourquoi s’étonner ?
« After Earth » n’est rien d’autre qu’un cadeau de Will Smith, créateur de l’histoire, pour son fils Jaden .
Il aurait été plus inspiré de lui offrir une Lamborghini, ça aurait coûté moins cher. Mais non, on est comme ça chez les Smith, on offre carrément des rôles principaux dans des films. Avec papi Pinkett et maman Jada à la production, « After Earth » a tout d’un étrange produit voué à l’échec artistique puisqu’ entièrement tourné vers la starification de son héros.
Un héros joué par un Jaden Smith qui a le mauvais goût de ne même pas savoir correctement jouer.
Certes, il ressemble à Will Smith, et donc certes, il a hérité d’une partie de son expressivité. Comprendre, il n’en a pas des tonnes. Sauf que Will Smith a un charisme, et un talent certain qui lui permettent de compenser le fait que sur son visage, peu de choses se passent. Jaden a donc les expressions faciales d’un Ryan Goslin et le talent d’une Kristen Steward.
Voilà les bases de départ, autant dire tout de suite qu’elle limitent grandement le potentiel du film.
Comme souvent chez Shyamalan, le pitch est simple : un père et son fils uniques survivants d’un crash doivent s’unir pour envoyer un signal de détresse et sauver leurs vies.
Bien. Sur le papier, plus un pitch est simple, plus il est aisé pour le réalisateur d’en faire une mine à sous-texte. Enfin quand le réalisateur a du talent. Sinon ça donne « Des Serpents dans l’Avion ». Je vous arrête tout de suite, j’ai bien aimé « Des Serpents dans l’Avion ». Fin de la discussion.
Et « After Earth » aurait carrément pu devenir une œuvre de commande totalement Shyamalanienne. Il n’est pas impossible à un grand réalisateur de faire d’un exercice imposé un film personnel.
Et ici, tout les éléments étaient réunis : une famille à recomposer, un deuil, et la peur. Tout est là, mais rien ne va.
Mécanique, le film se perd dans son argument de départ, faire de Jaden Smith une star. Su.per. Ainsi, immédiatement après le crash du vaisseau HERPES (non mais c’est ce que j’ai tout de suite lu, sauf qu’en fait, je me suis rendue compte que c’était HESPER…), Will Smith fait un truc comme « Ouhlala, ma jambe, bon ben mon fils tu vas aller nous sauver pendant que je vais rester là à me vider de mon sang tout en alimentant quelques incohérences scénaristiques. »
Lesquelles ne sont pas légions, mais résultent bien souvent d’une certaine opacité concernant les mécaniques de l’histoire.
Will Smith voit-il juste par la caméra dans le sac à dos de son fils ? Ou aussi par ses yeux ? Ce n’est pas toujours très clair. Comme il n’est pas toujours très clair que ses drones lui envoient toutes les informations dont il a besoin pour guider Jaden à travers la forêt.
Souvent, le récit se met à coincer à cause de ces éléments de contexte clairement très mal maîtrisés.
De la même façon que situer le récit sur Terre est une maladresse incroyable. Car la Terre, présente tout de même dès le titre du film, n’est d’aucune importance dans l’histoire. Ils pourraient s’être crashé sur Endor, Dagoda, ou à Roudouallec rien n’aurait changé (comment ça Roudouallec c’est sur notre planète, ce n’est pas un monde étrange et lointain où tout à évolué pour tuer des humains ? On voit que vous n’y avez jamais mis les pieds).
Et la cohérence interne eut été préservée. Puisque présenter une végétation tropicale soumise chaque nuit à une chute brutale des températures à plusieurs degrés en dessous de zéro, c’est à la limite du plausible. Mais si l’action s’était déroulée sur une random planète from outer space, cela aurait pu passer.
Qu’ « After Earth » lorgne très clairement du côté d’ « Avatar » n’est pas trop grave en soit. Il faut même mettre au crédit de Shyamalan que malgré des emprunts évidents, il s’affranchit aisément de son modèle, conscient ou inconscient.
Le problème c’est que cet affranchissement n’est possible qu’au prix d’une absence d’implication émotionnelle. Le film tout entier est froid, comme tendu vers cet « effacement » prôné par les Rangers.
Alors que le film est pourtant chargé question symbolisme, en particulier concernant l’Ursa, créature aveugle qui sent la peur de ses futures victimes, celui-ci échoue à traiter correctement ses éléments les plus forts. On a pourtant une amorce de réflexion autour du personnage de la sœur, qui avoue dans un silence qui en dit long qu’elle n’est pas parvenu à s’effacer parce qu’elle avait peur pour son frère. Un frère qui de fait, portait donc la culpabilité de sa mort. Mais qui ne semble pas trop en avoir conscience. Le flashback de cette scène renvoie davantage à l’idée d’un traumatisme initial qui bride de jeune garçon incapable de contrôler sa peur, plus qu’à une prise de conscience progressive de son rôle dans la dislocation de sa propre famille.
Le procès fait au film concernant son côté soit disant scientologue est pour le coup infondé. Justement parce que voir la gestion de la peur comme une exposition des thèses de Ron Hubbard, c’est nier que ce thème a toujours été présent chez Shyamalan. Qui n’en sert ici qu’une ultime variation.
Comme il ne sert finalement dans « After Earth » qu’une variation pachydermique et sans émotion sur la réunion de la famille.
Avec ce final tout de même un peu surprenant, où le garçon, parvenu au bout de son parcours, ayant sauvé son père et apprit à dominer sa peur pour enfin, terrasser son ennemi de toujours, éclate presque en sanglot en demande papa s’il te plait, je veux plus être militaire je veux réparer des turbines.
Surprenant parce que c’est bien là qu’enfin, le chemin du héros s’achève, dans l’acceptation pleine et entière de ce qu’il est, ou plutôt de ce qu’il n’est pas.
Une note finale que j’ai plutôt appréciée.
« After Earth » est malgré cela trop didactique, trop maladroit, trop au service d’un but qui ne devrait jamais motiver la création d’un film (faire une star d’un gamin visiblement dans le coma, youpi). Comme « Oblivion », qui souffrait au final de défauts assez proches, il s’ouvre par un long prologue monologué qui t’explique tout sur l’univers :
« Malgré les avertissement de sainte Céline Duflot, canonisée au tournant de l’année 2215, nous avons rendu la Terre inhabitable. Nous sommes donc parti en pourrir d’autres dans la galaxie, à bord de nos vaisseaux en forme de raies mantas, grâce à notre technologie supraluminique. Ce qui n’exclut pas que nous n’ayons pas d’armes à feu pour nous battre. Oui, comme les mecs qui se rasaient avec des Opinel dans « Battlestar Galactica ».
Pour qui, pour quoi, des extraterrestres nous ont pris en grippe on sait pas trop pourquoi, est-ce que se sont juste des voisins chiants ou les gens qui vivaient là avant, mystère, mais en tout cas, au lieu de déclencher une apocalypse thermonucléaire sur nos faces, ils ont préféré nous envoyer de grosses bêtes moches, aveugles, mais qui sentent les phéromones de la peur.
C’est un peu con, mais c’est tout de même l’un des ressors du scénario, rapport au traitement de la peur, toussa. Arrêtez de me poser des questions, le film vient à peine de commencer et je suis juste un petit garçon. Et mon papa,c’est Will Smith, il est grand et fort et il peut maîtriser sa peur like a boss, pour déboîter les aliens par paquet de 12. Du coup, je veux être comme mon papa, une star de cinéma un ranger, et voilà, maintenant le prologue il est fini, vous allez pouvoir m’admirer dans mes œuvres de non-jeu. Merci de m’avoir écouté. »
Holy crap, quand un film commence de cette façon, ça veut en général tout dire : écrit par un gros feignant, et/ou doté d’une mythologie en carton alvéolé.
Et ça n’a pas loupé. Au moins, dès le prologue, comme dans « Oblivion », tu constates tout de même que visuellement, on ne se fiche pas de toi. Caybo. Pas beau comme « John Carter », « Avatar » ou même « Prometheus », qui est juste beau mais tout de même vachement nul, mais beau quand même.
« After Earth » ouvre donc la saison des blockbusters estivaux de piètre manière. En l’absence de toute velléité de traitement de ses thématiques (sérieux, le mec qui dégaine « Moby Dick » comme on agite un drapeau au dessus de la tête de son sujet, c’est pas très très malin) , M. Night Shyamalan signe une œuvre proprette, sans grand intérêt, parasitée par ses facilités et prise au piège de son argument de création.
Autant j’avais de l’indulgence pour Joseph Kosinski dans « Oblivion », autant voir Shyamalan gâcher un talent pareil me fait, dans le fond, très mal au cœur.
Note : *
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