« Le voilà !… »

La vie est faite de belles surprises tout de même. Jusqu’à il y a quoi, quelques heures à peine, je n’avais aucune idée pour écrire cette intro.
Et puis, la magie de l’Internet, la grâce des Eldar réseaux sociaux, je me retrouvai en possession d’un objet que beaucoup convoitent, mais que peu d’élus peuvent contempler.

Étant par nature une grosse crevarde qui se réjouit de malheur des autres, je me suis dit que j’allais vous jeter mon bonheur à la face : j’ai une clé Beta pour « The Elder Scrolls Online ».

Ce qui signifie un weekend bien employé entre les salles de ciné, et mon paycay chéri.

Oui, vous vous en fichez comme de la première paire de chaussette d’Elric, mais bon, vous savez, J’AI UNE CLE BETA POUR « THE ELDER SCROLLS ONLINE ».

M’en allant gaiement geeker, je vous laisse en compagnie d’un vieux copain à vous. Et si ça se trouve, j’émergerai de mon trou avec un billet sur « Le Hobbit ». Ou pas.

Faut-il vraiment vous faire l’insulte de vous présenter Albator, franchement ?
Tout le monde connaît son inimitable look de corsaire emo balafré, sait qu’il s’agit d’un Allemand de l’espace, version galactique de Siegfried dans un vaisseau spatial. Et qu’il a une super cape.

Ce cosmique et néanmoins borgne teuton est né dans l’esprit forcément foufou du japonais Leiji Matsumoto, quelque part entre ses années lycée et l’université, pour prendre corps dans un manga durant les années 70 à la fin desquelles ses aventures sont adaptées en anime, l’anime qui l’a donc fait connaître chez nous.
Si au Japon, ce personnage inspiré du célèbre samouraï Musashi est connu sous le nom de Captain Harlock, en France, on a de la chance : non seulement la nécessité de changer le nom du corsaire de l’espace vient d’une trop grande proximité phonétique avec le capitaine Haddock, mais doit-on sans doute le nom « Albator » à nul autre que Eric Charden, de Stone et Charden. Oui.
L’Avventura, que voulez-vous…

Las des casseroles d’Albator, passons tout de suite au vif du sujet, le film.

Ah qu’il est difficile d’avoir à s’emparer d’un héros de légende… C’est précisément là où achoppe « Albator » et son réalisateur Shinji Aramaki ainsi que ses scénaristes aller hop, tout le monde dans le même panier, y’a pas de raisons.
Il serait peut-être plus simple de commencer d’ailleurs par là où le film ne pêche pas, à savoir son irréprochable visuel. Allant presque logiquement lorgner vers le style des Final Fantasy, « Albator » développer une imagerie somptueuse.
Quant à l’orientation prise par l’histoire, elle s’avère plutôt intéressante, privilégiant à l’hagiographie que l’on était en droit d’attendre, une forme de renaissance pour son personnage titre qui passe la majeure partie du film dans la peau d’un terroriste spatial un tantinet nihiliste. Parti pris intéressant parce qu’il est justement supposé fonder une complicité et une empathie entre le spectateur et Albator, que le film n’hésite pas à faire descendre de son piedestal pour mieux l’y faire remonter.

Enfin, ça, c’est en pratique.

Voilà, j’ai fait le tour de tout ce qui allait bien dans le film, on peut maintenant attaquer sereinement le reste.
Bouclez vos ceintures, et mettez vos slips étanches.

Premièrement, dans un film « Albator », je m’attends à ce que le héros se soit… Albator. Et pas John David le mannequin pour slip de l’école militaire (je parle beaucoup de culotte dans ce billet, sans doute parce qu’il a pour sujet un anime japonais #pasd’autreexplication ).
Non parce que bon, John David, Yama de son vrai nom, est sans doute le pire boulet que se traîne le film. Cherchant à faire découvrir au spectateur le héros par le truchement d’un nouveau venu, « Albator » finit par s’éloigner de son sujet. Au lieu d’effacer progressivement la recrue au profit de la découverte de l’Arcadia, c’est toute l’histoire qui se développe finalement autour du duel fratricide John David vs Professeur Xavier 2.0

A passer trop de temps sur ce noob dont le look lui donne l’allure d’un homme sandwich qui arborerait le message suivant : « youhou les gens, je suis le successeur d’Albator ! », on perd de vue que l’enjeu véritable de l’histoire reste la rédemption du capitaine et accessoirement, hein, les états d’âme de son équipage, notre seul référent humain.

Parce que les side kicks sont d’une platitude assez renversante, oui, y compris Kei et ses boobs en apesanteur (sans doute la première scène érotico-pouet de l’histoire du cinéma d’animation).
Sans transition, micro trottoir dans les coursives de l’Arcadia.
«-Alors, il est comment votre capitaine ?
Il est beau !
Il est fort !
Il est intelligent !
Et beau aussi !
Notre capitaine, c’est le meilleur de tous les capitaines ! On a toute confiance en lui !
Même s’il veut détruire l’espace-temps pour y mettre un bordel que même le Doctor Who il pourra pas réparer !
Oui ! Vive le capitaine ! »

Ma parole, mais l’Arcadia, c’est la Corée du Nord ?

Pendant que l’équipage au complet se gargarise de la splendeur opalescente et tout à la fois divinement enchanteresse d’Albator, faisons un tour du côté du scénario…

Ohla, mais quel bazar ici ! Mais c’est quoi c’est truc qui traînent partout ? Des combats spatiaux ? Oui, logique… Des bombes quantiques pour faire péter la théorie de la relativité et celle des cordes avec ? Qu’est ce que c’est que ce truc … Une conspiration galactique ? Un kaleidostar ? C’est quoi ce machin ? Un shotgun qui utilise des étoiles à neutrons … Et ça, là ? C’est quoi cette chose que vous essayez de cacher sous votre coude, monsieur le scénariste ? C’est… lâchez-ça, je vous prie… C’est un…. UN TRIANGLE AMOUREUX ?

On s’y perd très vite, entre les multiples ramifications d’une intrigue qu’il était pourtant assez facile de simplifier. A tel point que le film évacue lui-même certains éléments trop lourds, comme l’intrigue entourant les bombes, comme si on avait révisé le scénario mais oublié de le réécrire en profondeur. En résulte une sensation de confusion et un problème d’équilibre entre les éléments annoncés au départ et ceux qui feront l’objet du climax à l’arrivée.

Soyons honnêtes, les intrigues de la série « Albator » n’étaient pas toujours particulièrement faciles à suivre, mais ce n’est pas non plus une raison pour faire de même dans le film.

Si le récit manque d’efficacité et le scénario d’épaisseur malgré ses circonvolutions pour se donner un genre, la réalisation ne compense en rien ces défauts. J’ai vanté la beauté plastique du film, mais il s’agit d’une beauté froide, jamais rehaussée par la volonté du réalisateur de faire quelque chose d’autre qu’une mise en image classieuse d’un univers visiblement trop burné pour lui.
Car oui, c’est bien là où Shinji Aramaki pêche le plus, avec sa mise en scène timorée qui semble regarder de très loin le mythe dont elle était censé s’emparer à bras le corps.
Un type qui met en scène des combats spatiaux en champ-contre-champ, ça me laisse un peu les bras ballants. C’est vrai quoi, on lui confie un budget conséquent, un héros au potentiel de classe et de badass attitude quasi illimité, des flottes de vaisseaux en veux-tu en voilà, et en plus, on lui demande de faire du cinéma virtuel, ce qui signifie que concrètement, sa mise en scène n’est plus entravée par aucune loi physique susceptible d’amoindrir le spectacle.
Mais non, champ/contre-champ, restons cool, les mecs.

Même l’iconisation du capitaine fonctionne sur des effets faciles, mais ne se trouve jamais soutenue par l’architecture d’ensemble. Aramaki a beau soigner son entrée en scène, peaufiner avec une vraie révérence chacune de ses apparitions, tout semble finalement assez vain.
Le hic c’est bien que jamais le spectateur ne se trouve dans la position où il aurait lui aussi envie de rejoindre l’Arcadia. Où les forces et les faiblesses d’Albator en feraient une figure admirable.
Pourquoi devrait-on admirer Albator ? Parce qu’il parvient à retourner John David et nous avec ? Sauf que John David a autant de personnalité qu’un bulot et qu’il change d’avis comme de chemise. Son retournement de veste est si rapide qu’il est impossible d’y croire une demie minute. Résultat, il est tout aussi impossible de croire en Albator. Et ce n’est pas le faire sauter de wattmille mètre de haut sans esquinter son brushing qui arrangera les choses. Ok, c’était cool, tellement que ça mériterait d’apparaître dans un film de Zack Snyder.

Je suis vilenie.

Ultime pied de nez à un public sonné par l’intrigue et assommé par la mise en scène soporifique, le final semble n’avoir aucun sens.
Et là, c’est très gênant car personnellement, j’ai passé mon film à échafauder moult scénarios de fin dont aucun ne s’est réalisé.
Quant le public voit monter à bord de l’Arcadia un jeune homme dont le physique est celui d’un Albator ado, il est en droit d’attendre mieux que le dénouement finalement proposé.
John David a beau ressembler à Albator comme un jumeau, devenir borgne et balafré exactement comme son mentor, rien ne sera fait de ce jeu de doubles alors que le potentiel était pourtant là.
Naïvement, à partir du moment où le rôle de la matière noire dans la longévité du capitaine a été révélée, je pensais que l’on assisterait à une sorte de transfert d’Albator dans le corps de John David, une fois l’enveloppe primitive du capitaine réduite à néant. Par exemple.
Ou même, dans une version plus timorée de l’histoire, je me disais que John David finirait par perdre cet œil volontairement, en se l’arrachant pour empêcher leurs ennemis de voir à travers la puce qui lui avait été implantée.

Au lieu de cela, on se tape un discours sur l’importance des symboles, et puis, souquez les artimuses, matelots ! Avec un Albator toujours bien vivant et un John David prenant la barre avec un cache œil.
Hmm.

C’est moi où ça se termine de manière complètement vaine ?

Albator, supposé symbole d’espoir et de liberté passe beaucoup de temps à pleurnicher dans sa cape, à prendre de pures poses, à faire des trucs de ouf hors champ, pendant que l’on suit les atermoiements de John David, et ses échecs successifs en jets de charisme.
Meanwhile, un combat spatial en champ/contre-champ. Pourquoi ai-je le sentiment d’être à Rolland Garros ?

A se demander si finalement, il n’y a pas eu un très gros problème question scénario et /ou montage. Trop d’éléments deviennent inutiles en cours de narration. Trop de pistes s’achèvent dans des culs de sac. Difficile d’expliquer autrement l’échec patent de cet « Albator » que par un gros cafouillage au niveau de la production. Limite si le film ne semble pas frappé du syndrome « Treizième Guerrier », à ceci près que Aramaki ne sera jamais John Mc Tiernan #pointJohnMcTiernan.

On sort du film avec la désagréable sensation d’avoir vu une œuvre mal maîtrisée, composée d’éléments disparates que personne n’a été capable d’harmoniser. La sensation aussi que les épaules du réalisateur n’étaient pas assez larges pour l’ombre colossale de son héros.
Il reste tout de même la très agréable preuve par l’image que l’animation japonaise a les reins très solides, techniquement parlant et que dans les années à venir, il sera très intéressant de voir comment ce mode de production évoluera, espérons vers des projets plus flamboyants.

Note : *

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