Les femmes, il parait, ça aime le shopping. Je ne vais pas vous dire le contraire, je connais bien le problème et mon banquier aussi.
Mais si la plupart des gens s’imaginent les créatures à double chromosome X fascinées par les échoppes offrant atours et parures, il en est une qui ne daigne fréquenter ses lieux quand vient le temps des soldes. Non, elle son truc, ce sont les magasins de bricolages.
Oui, elle est comme ça ma mère, sa passion ce sont les bêches, les sacs de ciment, les marouflettes et les truelles.
Bon jusqu’à présent, je prenais ça pour un centre d’intérêt incongru (personnellement, je m’ennuie à mourir dans ce genre de magasin). Mais depuis que j’ai vu « The Equalizer », j’avoue bien volontiers qu’il me sera désormais difficile de prendre à la légère une phrase comme « Je vais faire un tour chez Leroy Merlin, y’a un arrivage de perceuses !!!!! »
Sans plus attendre, un billet sur un film, remake d’un série britannique, où y’a des gens qui meurent dans un Castorama.
Alors bon voilà la vérité, Antoine Fuqua et moi, c’est une histoire disons… compliquée. Déjà, il y a son nom, provoquant mon instinct du jeu de mot pourri.
Ensuite, il y a son style visuel pour le moins….
Disons que Fuqua pourrait se contenter de faire les choses simplement, mais non, NON, monsieur ne mange pas de ce pain-là. Et que j’en fais des caisses, et que je t’écris mon film à la truelle et que je me prends super au sérieux et que j’en rajoute tellement que ça risque à tout moment de tourner au grotesque.
Et devinez quoi…
« The Equalizer » c’est donc l’histoire de Robert, un brave employé de chez Castorama US qui vit seul, suivant sa routine quotidienne avec une précision d’horloger. Mais c’est avant tout le gars sympa, qui aide son gentil collègue gros, la gentille caissière, la gentille pute qui fait régulièrement escale dans son café préféré. Pourtant, derrière ce masque du citoyen modèle, mais triste, car il a un LOURD PASSE et du VECU, se cache un autre homme. Hinhinhiiiiiiin…..
Le souci, et je l’ai toujours dit, c’est que l’histoire, on s’en fout, c’est la manière dont elle est racontée qui importe. Et si Antoine Fuqua arrive à suivre son fil sans trop de dégâts, il se prend régulièrement les pieds dans le tapi en appuyant krékré fort sur les points IMPORTANTS : « Youhou, les spectateurs ! Mon personnage principal lit « Le Vieil Homme et la Mer » ! Vous n’avez pas pigé je parie, alors on va vous le pitcher, comme ça vous saisirez l’astucieux parallèle !!! »
Non. Mais zut à la fin. On le voit venir de tellement loin le truc mec que tu pourrais même supprimer de ton script que Robert lit des bouquins, cela ne changerait rien !
Idem sur l’élément déclencheur, d’une balourdise assez navrante, lorsque Chloe Moretz se fait récupérée par son mac sous les yeux d’un Robert en mode scrogneugneu.
Mais ça, ce n’est que le scénario. Le hic c’est que la mise en scène est à l’avenant. La majeure partie du temps, Fuqua se contente d’un travail de mise en image propret, sans génie ni intention particulièrement poussée. Et soudain ! PAF ! Il te balance un plan, ou une scène juste pour épater la galerie : ralenti of doom, renversement de caméra gratuit, mec qui marche like a boss devant une gigantesque explosion, toutes ballz dehors…
Malheureusement, ces effets de manche finissent par avoir raison d’un film qui sans eux, serait resté une série B sans éclat, mais pas désagréable, fleurant bon le parfum des ‘80s. Sur le principe, l’idée n’est pas mauvaise, avec ce personnage de justicier arpentant les rues de Boston en quête d’une veuve ou d’un orphelin à sauver. Mais il aurait fallu laisser le concept se développer seul, sans essayer de lui donner une ampleur et un sérieux qu’il ne demandait pas.
Résultat, on rit assez vite aux dépends du film, surtout dans son final le plus castomaniaque de tous les temps, que même la scène de l’abri de jardin dans « Commando » à côté, on dirait de la dinette.
On peut en effet y voir Denzel Washington massacrer des Spetsnaz avec des perceuses, des pistolets à clou, du gazon synthétique, des rouleaux de moquette, un rouleau de scotch double face et un interrupteur. Une version hard core de « Maman j’ai raté l’avion ».
Sans rire, sans le ralenti totalement gerbant qui conclue cette trèèèès longue scène, avec l’eau qui tombe sur le visage du vengeur tour à tour torrent des larmes de sa repentance et bain de la renaissance #caybo, ça passait. Ça passait série B comme « The Last Stand », ce film pas top mais fun qui signait le retour de Schwarzenegger aux affaires.
Là ça donne surtout l’impression que Fuqua n’a pas très bien compris ce qu’il avait entre les mains et ce qu’il devait en faire. Bon ça reste toujours mieux torché que l’infâme « Sabotage » de David Ayer, mais comme Fuqua se prend pour Michael Bay sans en avoir *attention, révélation choquante incoming* le talent, il se savonne la planche tout seul comme un grand : magique.
Toutefois, je ne vais pas être malhonnête (comme ça tu es toujours malhonnête ?) et prétendre que je me suis ennuyée ou que le film m’est sorti par les yeux. J’ai suivi l’ensemble avec un certain plaisir, par instant éclairé par un éclat de rire intérieur. Il faut dire que j’ai un faible pour les mafieux russes. Ils sont autrement plus inquiétants que les Italiens, déjà, ils ont de super tatouages, ils boivent plein de vodka, et ils ont toujours des super shotguns. Sans parler du fait que leurs QG sont toujours des restaurants à la déco soignée autrement plus classe que de vulgaires pizzerias.
Il faut aussi dire que j’ai plutôt accroché au concept même du film, et que malgré des passages à vide, le rythme général n’était pas franchement mauvais. On est loin d’une gestion à la précision horlogère d’un Carnahan ou d’un Cavayé, mais on se laisse aisément porter. Après, est-ce que « The Equalizer » justifie réellement un déplacement en salle, ça se discute.
Note : */* (parce que bon, j’ai quand même bien aimé le côté déglingo du final dans le Castorama et puis c’est un film avec 2mn de Vladimir Kulich dedans, alors mayrde, quoi, ça vaut bien une étoile)