« The Revenant » est un nouveau strike du Tequila Gang, ce commando moyennement informel composé de Guillermo Del Toro, Alfonso Cuaron et Alejandro Gonzales Innaritu, ayant pris la bonne habitude de régulièrement sortir des films déglinguant tout sur leur passage.
Une nouvelle tempête de guacamole dans les salles, les amis, avec l’insigne mérite de s’emparer d’une légende ultra américaine, mise en scène par un Mexicain qui vient de remporter deux années de suite l’Oscar du meilleur réalisateur PILE au moment où Donald Trump s’envole dans les primaires du parti républicain.
Ô IRONIE….
Considérations politiques mises à part, « The Revenant » est-il à la hauteur de sa réputation ? La réponse est oui, même si j’ai de petites réserves.
Objectivement, je pourrais chercher pendant trois ans ce qui serait déplaisant dans ce film sans jamais trouver quoi que ce soit de bien solide. A part la bande originale, qui n’est pas spécialement le point fort de « The Revenant ». Un peu comme dans « Mad Max Fury Road», on a très souvent l’impression que la musique vient napper une scène comme un glaçage inutile sur un très bon gâteau. Étrangement, c’est elle qui m’a fait par instant sortir du film.
Dans lequel j’étais ramenée illico par celui dont le talent aura énormément fait pour l’aura de ce film, j’ai nommé l’incroyable, le magnifique, le formidable Emmanuel Lubezki. Ouais, oubliez Leo le Baveux et ses simagrées dans la neige, car le vrai magicien sur l’écran, c’est Lubezki, un autre membre distingué du Tequila Gang puisque contrairement à ce que son nom aux consonances vaguement polonaises indique, il s’agit bel et bien d’un authentique mexicain qui aura entre autre accompagné un certain Alfonso Cuaron sur l’ensemble de sa carrière. Et, depuis une dizaine d’années, il est également devenu le chef opérateur attitré de Terrence Malick. Excusez du peu. Toute la note d’intention visuelle de « The Revenant » tient dans son plan d’ouverture, qui lie deux éléments essentiels à l’histoire et sa progression, l’eau et la forêt, qu’Innaritu va élever au rang de principes quasi divins, porteurs de vie et incarnations de la mort.
« The Revenant » en tant qu’histoire de survie, se résume très vite à ces enjeux primordiaux, et doit donc faire le choix de les incarner par l’image, en les faisant perpétuellement rôder autour des personnages. Un principe de base de tout bon survival, où en général, l’environnement tout entier devient mortifère et où le héros devra accepter d’y mourir pour en renaître, transformé à jamais.
Deux motifs reviennent dans le film au-delà de leur présence logique dans cet environnement : l’eau et les arbres. Au départ simples cadres de l’action, ils deviennent peu à peu des motifs symboliques. Liés dès la scène d’ouverture par ce plan magnifique de la forêt inondée, ils vont petit à petit incarner les concepts de vie et de mort à l’écran. Et ceci en même temps. Les arbres en particulier sont clairement à l’image le pont entre le monde des morts et celui des vivants. Que cela soit parce que les scènes clés se déroulent à de rares exceptions dans la forêt, parce que lorsqu’il a une vision de son fils dans l’église en ruine, Glass se retrouve soudain à enlacer un arbre, parce que l’Indien qu’il rencontre autour de la carcasse du bison lui sauve la vie dans une hutte érigée au milieu d’un bois, ou encore lorsque Glass renait du ventre de son cheval au pied d’un arbre immense dont les branches ont ralenti sa chute.
Autant la forêt et les arbres sont un symbole ambigu, autant l’eau semble perpétuellement ramener les personnages vers la civilisation, le monde des vivants. L’eau est le lien entre les hommes, que leurs rapports soient harmonieux ou belliqueux. S’en éloigner revient généralement à plonger à nouveau dans les limbes.
Au final, c’est le film tout entier qui semble baigner dans un entre deux où il n’existe aucune frontière, où tous les repères sont brouillés. Personnages et spectateurs naviguent aux confins de la folie, dans un purgatoire tour à tour sordide et magnifique, dont on ne peut sortir qu’en y amenant la justice.
La manière dont les Indiens sont mis en scène est d’une rare intelligence et d’une grande justesse. « The Revenant » situe à une époque, le début du XIXe siècle, où les tribus amérindiennes ne peuvent rien faire d’autre que regarder en face leur extinction prochaine. Innaritu les dépeint donc comme des morts vivants, les fantômes tantôt vengeurs, tantôt hagards, constamment enfermés dans leur propre monde. L’affrontement entre le groupe de trappeurs et les Arikaras se fonde sur une absence totale de dialogue : les Indiens cherchent Powaqa, la fille du chef enlevée par des Blancs, tandis que les trappeurs sont convaincus que leurs poursuivants en veulent à leur stock de fourrures.
Alors que l’on comprend très vite qu’un simple dialogue (comme celui entre les Arikaras et les Français) suffirait à désamorcer le conflit, personne ne tente à aucun moment, de s’expliquer. La raison est assez simple. Sur le plan du récit, les rapports entre Européens et Indiens sont vite résumés à des échanges violents et/ou humiliants. Sur un plan symbolique, tels que représentés dans « The Revenant », les Indiens sont des morts, et ils ne peuvent par essence plus communiquer avec les vivants que par cette violence absurde.
Constamment rejetés sur les bordures, les Indiens sont clairement dépeints comme des étrangers. Innaritu les fait régulièrement apparaitre de derrière des crêtes (motif spielbergien du danger derrière la hauteur FTW). Ils semblent se mouvoir derrière ces dernières, cachés, absents, mais constamment menaçants, même au sein de leur propre monde. On les sent déjà comme évanouis. Dans le monde des Blancs, ils sont une nouvelle fois rejetée à la périphérie, qu’elle soit géographique (ils se massent en campements crasseux hors les murs du fort) ou sociale (les rares Indiens présents dans l’enceinte exercent des métiers considérés comme dégradants).
Même Hugh applique ce schéma rigoureux envers son fils, Hawk, dont les origines pawnees le condamnent à n’être qu’une figure discrète, silencieuse, mutique. Une constante discrétion qui s’avère être une question de survie, mais qui en dit très long sur la représentation des Indiens dans le récit, puisqu’elle renforce en même temps qu’elle explique les intentions du réalisateur derrière sa mise en scène des Amérindiens.
Si je devais avoir une réserve sur « The Revenant », cette dernière viendrait de mon manque d’implication émotionnelle. Un facteur très difficile à juger et à évaluer mais qui s’avère une constante entre moi et le cinéma d’Innaritu dont je reconnais volontiers la valeur sans qu’il parvienne jamais à m’émouvoir. Est-ce parce que j’y suis hermétique ou à cause de la narration qui tient toujours le spectateur à distance respectueuse, difficile à dire.
Toujours est-il que si les péripéties de Hugh Glass m’ont fascinées, jamais elles ne m’ont prise aux tripes.
Innaritu a toujours su me garder à distance de son cinéma dont je reconnais les grandes qualités, mais qui ne m’a jamais cueillie émotionnellement. En cela, il se distingue de son compère, Alfonso Cuaron, qui partage des qualités similaires, mais qui a une approche plus viscérale, moins intellectuelle du cinéma qui me correspond sans doute mieux.
Et quelque part, « The Revenant » est un projet assez proche de « Gravity » dans ses intentions et ses thématiques. On y retrouve les enjeux primordiaux de la vie et de la mort, le parcours d’un personnage entre deux mondes dont la survie dépend finalement de sa capacité à faire son deuil, et même dans la grammaire, le travail de Cuaron et d’Innaritu se rapproche, entre l’usage du plan séquence pour tendre l’action jusqu’à l’extrême, le recours au très gros plan comme expression des émotions les plus intimes, les poses contemplatives entre les épreuves.
Même les défis techniques, pourtant d’apparence opposés, se rejoignent pour se mettre au service de deux expériences de cinéma. Autant « Gravity » avait fait la part belle à la technologie et au numérique afin de parvenir au bout de ses ambitions, autant « The Revenant » prend le chemin inverse, jouant à fond et avec succès la carte de l’authentique. Innaritu exploite parfaitement la matérialité de ses décors, le réalisme des situations.
Innaritu va chercher là ses ressources pour faire naviguer ses personnages aux frontières de la folie, entre humanité et animalité. Et si « Gravity » est une référence évidente, il faut aussi renvoyer « The Revenant » au travail de Joe Carnahan sur « Le Territoire des Loups », qui ne partage pas QUE son cadre et ses bêtes sauvages avec le film d’Innaritu.
Cependant c’est bien du côté de Cuaron qu’il faut lorgner dans l’imparable narration par l’image, celle qui est si pure qu’elle rend inutile le dialogue.
De la même manière que le regard de Ryan Stone se portait sur la Terre à chaque fois qu’elle triomphait d’une épreuve, ici chaque jalon du parcours, donc chaque mort, est sanctionné par un plan vers le ciel, généralement surpris entre des arbres, véritables ponts entre la vie et la mort.
Renvoi également constant, comme dans « Gravity », à l’insignifiance de l’humain dans ce monde qui s’abrite.
Malgré tout l’immense respect que j’ai pour Di Caprio, qui en plus n’a absolument pas démérité ici, c’est la performance de Tom Hardy, carrément écrasante, qui m’a bluffée
Mais à la différence de « Gravity », se concluant sur un grand cri d’amour humaniste, « The Revenant » propose un discours plus nihiliste. Là où Cuaron faisait de la survie un acte héroïque et révélateur de la puissance de l’aventure humaine, Innaritu nous force à regarder la vie comme l’absurdité qu’elle est, brouillant volontairement son message. Après qu’il ait confié Fitzgerald à la rivière pour laisser les Indiens, ces morts-vivants, régler son sort, Glass voit ces derniers passer près de lui sans lui accorder de réelle attention. Là où quelques jours plus tôt ces mêmes hommes le poursuivaient avec acharnement dans tout le Dakota, ils semblent désormais indifférents à son sort. Cet abandon n’a finalement rien à voir avec le retour de Powaqa parmi les siens, comme le prouve l’exécution de Fitzgerald. Elle a tout à voir avec la fin du parcours de Glass, qui sa vengeance accomplie, n’est plus qu’un mort parmi les morts, qui quitte le cours de la rivière pour retourner dans la forêt, où l’attend le spectre de sa femme. C’est peut-être dans ce final que le film pêche finalement le plus, cherchant à rendre explicite ce qui était déjà limpide avant, en particulier lorsque Innaritu se sent obligé de terminer par un regard de Glass vers le spectateur, pas inutile, mais peut-être un peu vain.
Bien que pétri de qualités et appartenant au club fermé des « *utains de grands films », « The Revenant » n’aura tout le temps laissée à distance.
Ceci n’entache en rien l’impeccable travail d’Alejandro Gonzales Innaritu, qui n’a rien volé de toutes les louanges qui lui ont été adressées.
Même s’il a volé son Oscar à George Miller.
Note : ****
And now, for something completly different :
Hmmmm si je partage globalement votre avis sur le film, je dois dire en revanche que j’en partage assez peu l’analyse qui n’aborde pas le cœur du film à mon sens, à savoir toute la thématique de la renaissance qui se rappelle tout le film durant, et la dimension quasi mythologique du parcours de Glass. En fait il est dommage que vous ne fassiez aucun commentaire sur ce voyage de Glass et la prestation de DiCaprio (même si c’est peut-être un parti pris de votre part du fait que beaucoup de choses ont déjà été dite).
Cela dit votre analyse des indiens est intéressante, même si là aussi vous me semblez passer à côté de ce qui est essentiel à ce sujet, à savoir le choc entre les indiens qui incarnent la nature et la spiritualité et les colons qui incarnent la civilisation, le matérialisme, etc…qui corrompent les indiens avec le commerce, des armes à feu notamment.
Hmmmm si je partage globalement votre avis sur le film, je dois dire en revanche que j’en partage assez peu l’analyse qui n’aborde pas le cœur du film à mon sens, à savoir toute la thématique de la renaissance qui se rappelle tout le film durant, et la dimension quasi mythologique du parcours de Glass. En fait il est dommage que vous ne fassiez aucun commentaire sur ce voyage de Glass et la prestation de DiCaprio (même si c’est peut-être un parti pris de votre part du fait que beaucoup de choses ont déjà été dite).
Cela dit votre analyse des indiens est intéressante, même si là aussi vous me semblez passer à côté de ce qui est essentiel à ce sujet, à savoir le choc entre les indiens qui incarnent la nature et la spiritualité et les colons qui incarnent la civilisation, le matérialisme, etc…qui corrompent les indiens avec le commerce, des armes à feu notamment.
The Revenant, ou l’histoire d’un trappeur überpuissant qui n’arrive pas à faire fuir trois loups rachitique d’une carcasse de bison.
Liam Nielson lui y serait arriver avec deux cartes de crédits et un lacet de chaussure!
On peut dire que Léo a quand même la gigne niveau bestiaire, à se demander comment il est arrivé à se faire cette réputation.
Après 27 épisodes de Bouba mon petit ourson, n’importe qui lui dira que ourson = maman ours = danger.
Pour rappel mon cher Léo tu as un vieux mousqueton, pas un M4 flambant neuf. Il pensait réellement tuer l’animal avec un petit plomb.
A croire que le réalisateur faisait tout son possible pour rabaisser son personnage principal.
PS Un super titre de billet qui rappel qu’on est à J-20 et des poussières
The Revenant, ou l’histoire d’un trappeur überpuissant qui n’arrive pas à faire fuir trois loups rachitique d’une carcasse de bison.
Liam Nielson lui y serait arriver avec deux cartes de crédits et un lacet de chaussure!
On peut dire que Léo a quand même la gigne niveau bestiaire, à se demander comment il est arrivé à se faire cette réputation.
Après 27 épisodes de Bouba mon petit ourson, n’importe qui lui dira que ourson = maman ours = danger.
Pour rappel mon cher Léo tu as un vieux mousqueton, pas un M4 flambant neuf. Il pensait réellement tuer l’animal avec un petit plomb.
A croire que le réalisateur faisait tout son possible pour rabaisser son personnage principal.
PS Un super titre de billet qui rappel qu’on est à J-20 et des poussières
@ Ser Capuche : pour être parfaitement honnête, je manque de temps pour écrire en ce moment. Et se faisait, mon clavier s’émousse, mon cerveau avec. Alors ouaip, ce n’est pas aussi fourni que ça aurait du l’être mais en l’état actuel des choses, c’est déjà bien qu’il y ait eu un billet :/ Désolée de vous avoir déçu.
@ Turel : +1 pour Liam Neeson qui déboite des loups avec des mignonnettes de Johnny Walker. Mais on parle du mec qui a formé Obi Wan Kenobi, Batman et génocidé la moitié de l’Albanie. Leo n’a pas le même pedigree question brutalité :p
Blague à part, la pauvre Hugh Glass n’a pas eu de bol c’est clair. Sur la scène où il tombe sur les oursons, on le voit quand même observer autour. Il m’a semblé qu’il se mettait sur le qui vive à partir de ce moment-là, ne sachant pas où la mère se planquait (en effet, maman ours n’est jamais très loin de ses petits. C’est absolument nécessaire à la survie de l’espèce car l’ourson est particulièrement intrépide et couillon par nature. On le voit même dans le film, 2 secondes d’inattention et paf, Petit Ours Brun est déjà coincé en haut d’un arbre).
Sur l’arme, il n’a pas vraiment d’autre choix que de tenter le tout pour le tout avec. A bout portant et en visant bien, il pouvait loger une balle dans le crâne. D’ailleurs la blessure qu’il lui fait au flanc affaibli bien l’ourse puisqu’on la voit souffrir et que l’accent est mis sur l’hémorragie qui s’en suit.
Quant à rabaisser le personnage principal, le mec se fait tout de même un grizzli adulte quasi à mains nues, c’est un sacré exploit tout de même, le tout avec la gorge ouverte, et un tas d’os pétés. A croire qu’il est de la famille du Chevalier Noir : « It’s just a scratch ! »
@ Ser Capuche : pour être parfaitement honnête, je manque de temps pour écrire en ce moment. Et se faisait, mon clavier s’émousse, mon cerveau avec. Alors ouaip, ce n’est pas aussi fourni que ça aurait du l’être mais en l’état actuel des choses, c’est déjà bien qu’il y ait eu un billet :/ Désolée de vous avoir déçu.
@ Turel : +1 pour Liam Neeson qui déboite des loups avec des mignonnettes de Johnny Walker. Mais on parle du mec qui a formé Obi Wan Kenobi, Batman et génocidé la moitié de l’Albanie. Leo n’a pas le même pedigree question brutalité :p
Blague à part, la pauvre Hugh Glass n’a pas eu de bol c’est clair. Sur la scène où il tombe sur les oursons, on le voit quand même observer autour. Il m’a semblé qu’il se mettait sur le qui vive à partir de ce moment-là, ne sachant pas où la mère se planquait (en effet, maman ours n’est jamais très loin de ses petits. C’est absolument nécessaire à la survie de l’espèce car l’ourson est particulièrement intrépide et couillon par nature. On le voit même dans le film, 2 secondes d’inattention et paf, Petit Ours Brun est déjà coincé en haut d’un arbre).
Sur l’arme, il n’a pas vraiment d’autre choix que de tenter le tout pour le tout avec. A bout portant et en visant bien, il pouvait loger une balle dans le crâne. D’ailleurs la blessure qu’il lui fait au flanc affaibli bien l’ourse puisqu’on la voit souffrir et que l’accent est mis sur l’hémorragie qui s’en suit.
Quant à rabaisser le personnage principal, le mec se fait tout de même un grizzli adulte quasi à mains nues, c’est un sacré exploit tout de même, le tout avec la gorge ouverte, et un tas d’os pétés. A croire qu’il est de la famille du Chevalier Noir : « It’s just a scratch ! »