Le Point Chiffon : « Le Seigneur des Anneaux » vol.2

Avec un peu (OHSIPEU) de retard, voici donc le deuxième billet sur les chiffons du « Seigneur des Anneaux » de Peter Jackson. Consacré, comme promis, à Eowyn, dame des cataclop du Rohan.

Une garde robe certes impressionnante, mais moins bien mise en valeur que celle d’Arwen, la faute à des éclairages peu propices au costume porn, mais aussi à la volonté du réalisateur de ne pas définir Eowyn au travers de son image, contrairement à Arwen.

On a vu que les vêtements de cette dernière servaient régulièrement de support à son histoire, se chargeant de convoyer des messages visuels, un parti pris nécessaire quand on sait que le personnage n’intervient que de manière épisodique à l’écran, alors qu’ Eowyn dispose durant deux films d’un arc traité en continu, puisqu’elle suit de près les membres de la Communauté.

Aussi, même si ses costumes sont toujours signifiants, ils sont moins mis en avant, puisque les dialogues, les décors, la mise en scène, se chargent bien avant eux de raconter son histoire et de suivre ses évolutions psychologiques.

Mais avant de nous lancer dans le vif du sujet, un peu de détente de musique, un instant relaxation qui vous est offert par l’Internet :

Après cet intermède musical du plus bel effet, je vous invite à vous armer de vous plus beaux dés de couture, et d’aiguilles fort pointues. C’est parti pour le point chiffon !

Avec Eowyn, nous bascule dans un monde très différent de celui des Elfes évoqué avec Arwen. Immersion dans la culture rohirrim ! (« La culture rohirrim ? Je savais même qu’il y en avait une ! »)

Dans la trilogie, le Rohan jouit de la représentation la plus historiquement crédible de toutes. La raison en est assez simple : Tolkien c’est toujours montré dissert au sujet des Rohirrims, un peuple qu’il porte tout particulièrement dans son cœur.

En effet, Tolkien a créé l’univers du « Seigneur des Anneaux » avec pour point de départ non pas une histoire, ni des personnages, mais des langues : Le quenya et le sindarin. C’est pour les faire vivre qu’il a inventé les Elfes, leurs locuteurs originels. Ces Elfes sont inspirés de ceux des mythes nordiques, dont Tolkien était un spécialiste. Linguiste, il gagne sa vie comme professeur de vieil anglais, parlé par les populations d’origine germanique venues peupler la Grande Bretagne au Haut Moyen Âge.

Si les langues elfiques sont les enfants de Tolkien, le vieil anglais est l’un de ses grands amours. Et cette langue sera à la base du peuple du Rohan.

Une confusion aussi commune qu’elle est pardonnable assimile souvent les Rohirrims aux Vikings, quand Tolkien les a toujours plutôt vus comme des Saxons. Le fait est que les deux cultures sont cousines, ce qui rend la confusion en question presque non avenue.

Dernier point accentuant encore l’affection de Tolkien pour les Rohirrims : le choix d’en faire un peuple de cavaliers. Or Tolkien n’a jamais été le dernier à confesser sa fascination pour les chevaux.

Le lien entre les Rohirrims et leurs montures est extrêmement fort, au point que deux des principaux personnages du Rohan, Eomer et Eowyn, ont été nommés en l’honneur de ces animaux, eoh signifiant « cheval » en vieil anglais.

Ainsi, contrairement aux Elfes, créatures purement imaginaires, les Rohirrims s’ancrent dans une réalité historique et se rattachent à des éléments concrets dans la vie de Tolkien. Leur représentation est par conséquent bien plus terre à terre que celle des autres peuples, à l’exception des Hobbits, directement inspirés des campagnes anglaises.

Le Rohan est un royaume organique, souvent sale, profondément réel, comparé au Gondor, issu des Numénoréens, sorte de sur-hommes dont la civilisation est intimement liée aux éléments les plus mythologiques de l’univers créé par Tolkien.

Parce que le royaume du Rohan est concret, par bien des aspects, son personnage féminin principal (et unique), Eowyn, a été longuement décrite par Tolkien, ses descriptions étant infiniment plus détaillées et précises que celles concernant Arwen. Cette dernière, à peine réelle, évoluant à la frontière du monde humain est constamment décrite par des évocations ou des sensations. Eowyn au contraire, est fréquemment décrite, jusque dans sa tenue. La Blanche Dame du Rohan est infiniment concrète, de par sa nature humaine, mais aussi en raison de son parcours.

La Dame du Rohan.

Pris dans une embuscade par les Uruk Haï de Saroumane, Theodred, le fils du roi Theoden est ramené mourant à Edoras. Ses cousins, Eomer et Eowyn annoncent la nouvelle à leur oncle, mais sont interrompus par Grima, le conseiller du roi et agent de Saroumane.

Eowyn porte ici une robe verte, intéressante à plusieurs niveaux. Je vais donc prendre mon temps pour les détailler le plus précisément possible :


Les couleurs : les dominantes de ce costume sont le vert et l’or. Un choix qui n’a rien d’anodin puisqu’il s’agit des couleurs héraldiques du Rohan, présentes sur les bannières flottant au-dessus d’Edoras.

Le vert référence les plaines du Rohan, où sont élevés les Mearas, ces chevaux faisant la fierté de leurs maîtres et que le reste du monde leur envie. L’or n’a rien ici d’uniquement ornemental puisqu’il renvoie et un autre symbole récurrent dans les armoiries des Rohirrims, le soleil, que l’on retrouve d’ailleurs sur les motifs de la ceinture d’Eowyn. Enfin, le cheval se passe de commentaires.

Eowyn porte donc ici une robe qui fait écho aux couleurs fondamentales du royaume, vert et or. On les retrouve très fréquemment associées, sur les manteaux, mais aussi sur certaines armures.

Contrairement à ce que nous avons vu avant pour Arwen, le vert chez Eowyn ne renvoie donc pas à la notion d’espoir. D’autant moins qu’au moment où nous découvrons ce costume, la jeune femme est plus proche du fond du trou qu’elle le pense.

Ce vert est pourtant également présent à un niveau symbolique. Contrairement à la teinte vive et printanière qu’arborait Arwen, celui d’Eowyn est profond, et la texture non lisse de ce velours donne presque à l’ensemble un aspect vieilli. Ce vert peut aussi référencer, par son aspect sombre, la progressive corruption du royaume par le venin de Grima Langue de Serpent, animal et notions souvent associés à la couleur verte.

Les textures : avec Eowyn, Ngila Dickson va porter son choix sur des étoffes très texturées et ce pour deux raisons essentielles. La première, c’est cet aspect très concret de la culture du Rohan. Au lieu des soies et des velours de soie des Elfes, les Rohirrims sont vêtus de velours de coton, de coton tout court, de laine. Des matériaux plus bruts à l’aspect plus authentique qui renforcent leur réalisme.

La seconde, c’est l’éclairage. En effet, le Grand Hall, Meduseld, est un lieu sombre, avec très peu de lumière naturelle.

Sur cette photo, les couleurs ont été augmentées afin de faire ressortir les colonnes peintes et le dallage bicolore. Mais si vous revenez quelques instants sur l’extrait vidéo posté plus haut, vous constaterez que ces couleurs sont à peine perceptibles.
Donc a fortiori, celles de vêtements sont également difficiles à voir. Par conséquent, Ngila Dickson joue sur les matières afin de faire ressortir au mieux ses costumes.

Le velours de la robe d’Eowyn n’a pas grand-chose à voir avec ceux très lisses d’Arwen. Cette dernière évolue en permanence dans de véritables douches de lumières, qui glissent sur les fibres pour en faire ressortir la brillance. Eowyn, elle, baigne dans les zones d’ombre. Le velours n’est donc ici pas net, en partie parce que le but ici est de rendre la matière non pas uniforme, mais presque mouchetée. Tout est fait pour que ce velours accroche le peu de lumière à capter. Cela a aussi pour effet de donner un aspect vieilli au costume.

Regardez une nouvelle fois la vidéo : Eomer revient de mission et est totalement dégueulasse, Grima a le cheveu gras et le teint maladif, Theoden est liquide, Eowyn semble porter une robe ayant connu des jours meilleurs. Tout ce petit monde évolue dans une maison sombre, dans des cadres obstrués par le mobilier, les piliers… L’atmosphère de Meduseld est étouffante, délétère, elle sent la maladie et la déchéance tant morale que physique.

Outre le velours, le col de la robe présente un large empiècement à revers entièrement brodé d’or, là encore un matériau qui va renvoyer la lumière.

Enfin, la robe est entièrement doublée d’un brocard vert pâle brodé de motifs végétaux.

La robe semble d’ailleurs comporter un jupon de la même matière, sur lequel s’ouvre un pan de velours, remonté au niveau de la ceinture afin de dévoiler ce tissu plus clair. Là aussi, vous avez saisi l’idée.

Impossible de faire un color block sur Eowyn, surtout pas dans une matière si sombre. Il faut donc créer une zone claire vers le bas du costume et cette ouverture est le prétexte parfait.

Il ne serait pas très pertinent de tenter une analyse de références historiques, car même si les costumes d’Eowyn sont plus proches de formes de notre monde réel, ils restent avant tout des créations originales simplement « inspirées de… ». Ici, la référence la plus évidente de cette robe ouverte sur un jupon reste la « Dame à la Licorne » :

Le rang social : vêtue de velours et d’or, Eowyn entre en scène en affirmant un rang élevé. Même si comme on l’a vu ce costume traduit aussi la mauvaise santé générale de la maison, il affirme la place qu’occupe Eowyn à Edoras.

Une fois encore, reprenons les protagonistes : Eomer est en armure, un costume qu’il ne quitte quasiment pas du film. C’est un homme de terrain, le bras armé du roi. Grima est couvert de couches successives de noir Sali. C’est un homme de l’ombre à l’influence pernicieuse. Il est modestement vêtu et assez sale.

Quant à Theoden, il n’est qu’une image décatie du roi de jadis, silhouette malade avachie sur un trône trop grand pour lui. Eowyn seule, se dresse dans une robe à la silhouette très épurée, affichant sa richesse et la couleur du royaume. Elle s’impose comme un autre personnage d’action, aux côtés d’Eomer.

Tous deux incarnent deux types de pouvoirs, deux forces motrices qui tentent de sauver ce qui peut l’être encore. Leurs costumes respectifs les inscrivent également dans une sphère précise, militaire pour Eomer, domestique pour Eowyn, un rôle qui pèse à la jeune femme.

Cette robe est conçue comme une définition par le vêtement du personnage, de sa place dans ce royaume, au sein de la cour et dans sa famille.

Le blanc : la couleur du deuil ou de l’espoir ?

Les deux, mon capitaine.

Après avoir établi Eowyn dans sa fonction et ses dignités au cœur d’Edoras, Ngila Dickson peut désormais s’intéresser à une définition plus personnelle.

Tolkien décrit dans « Les Deux Tours » Eowyn vêtue de blanc, lorsque la Communauté entre dans Meduseld pour une audience avec Theoden.

Dans le livre, le passage insiste sur le contraste entre ombre et lumière. Au fond du hall, le diamant de la couronne de Theoden, sa barbe, la robe d’Eowyn et le teint blafard de Grima forment une tache blanche vers laquelle le groupe mené par Gandalf le Blanc se dirige. Il y a là un jeu très intéressant sur la notion de blancheur.

La robe d’Eowyn et le diamant de Theoden sont seuls qualifiés de blancs, tandis que la barbe est de neige et le teint de Grima pâle.

C’est deux derniers sont en effet les émanations de la malfaisance de Sauroumane, qui porte le qualificatif de Blanc sans plus le mériter. Car depuis l’avènement de Gandalf sous cette couleur, Saroumane a été supplanté par son collègue, considéré comme plus digne que lui de l’arborer. Ses agents, ou le résultat de ses machinations ne sont donc pas d’un blanc franc, mais de teintes pâles, maladives.

Au contraire, Eowyn, qui lutte pour sauver son oncle des griffes du magicien, est une alliée naturelle de Gandalf, même si elle l’ignore encore. Sa robe est donc d’un blanc incandescent. De la même manière, le diamant de la couronne est le symbole du pouvoir royal de Theoden mais aussi de sa majesté car il est le seul élément qui ne semble ni affaibli ni corrompu sur le roi. Là aussi, il s’agit de lier Gandalf au roi tombé sous l’emprise de Saroumane.

Cette robe blanche est logiquement présente dans le film, car elle servira le même objectif que dans le livre.

Eowyn étant la Blanche Dame du Rohan, Ngila Dickson ne peut faire l’impasse sur cette couleur, surtout pas dans la scène où elle rencontre la Communauté. Mais elle va également faire usage de cette couleur à des moments précis du parcours d’Eowyn, donnant à cette teinte une signification finalement assez riche.

Toutefois, je me dois de faire un point d’étape sur une grosse « erreur » de continuité impliquant ce costume. Je mets des guillemets à erreur car, plus qu’une maladresse de montage, il s’agit d’un bricolage nécessaire à la bonne compréhension de l’histoire. Mais un bricolage qui se voit.

Allons-y par étapes.

La première fois que la robe blanche apparait, Eowyn est au chevet du corps de son cousin où Grima vient la surprendre. On voit d’emblée que le blanc sert dans cette scène à créer un contraste fort entre les deux personnages, de manière très Star Warsienne.
Cette scène suit de près une autre durant laquelle Eowyn annonce au roi la mort de son fils. Elle porte sa robe verte vue précédemment.

Entre cette annonce au roi et le plan suivant sur Eowyn en blanc, veillant le corps de Theodred, il ne s’écoule que quelques secondes durant lesquelles Gandalf exhorte ses compagnons à la prudence. La voix de Gandalf sert autant à briefer ses compagnons qu’à rappeler aux spectateurs les forces en présence à Meduseld, évoquées au début du film

Ce changement de costume, aussi violent que radical, m’a toujours fait tiquer.

Dans les commentaires sur la version longue des « Deux Tours », Miranda Otto, interprète d’Eowyn, explique que cette scène avec Theoden (celle du gros plan sur leurs mains) avait pour objet l’état critique de Theodred et non sa mort. Elle dit aussi que la décision a été prise de déplacer la scène plus tard dans le film, et de refaire le dialogue en post production (la quasi-totalité des dialogues de la trilogie sont post produits, ce qui rend assez aisé de les modifier après le tournage), en considérant que Theodred était déjà mort.

Au moment où Eowyn dit à Theoden que son fils est mort, nous avons un plan sur leurs mains (cf la capture d’écran plus haut). Ainsi, pas de contradiction entre le mouvement des lèvres et les mots prononcés. Habile. Si vous reprenez la vidéo que j’ai posté pour la robe verte, vous constaterez qu’Eowyn semble se relever du pied du trône quand Eomer fait irruption dans le champ. Le plan est large, pris du haut du grand hall et l’on entend Eowyn dire « Your son is badly wounded, my lord« . Il y a donc fort à parier que la scène où Eowyn tient les mains de son oncle aurait originellement dû se situer juste avant ce plan large.

Ahah, donc, vous avez sous les yeux un bel exemple de rafistolage et une erreur de continuité qui n’était absolument pas rattrapable même avec le meilleur montage au monde. En effet, les deux scènes ne sont pas supposées se dérouler le même jour, même si, in fine, le montage le laissera entendre.

Vous allez me dire que l’on peut parfaitement envisager qu’Eowyn se soit changée entre les deux et que cela n’a rien de grave. En effet, après avoir veillé son cousin à l’agonie, il est logique qu’elle ait pris du temps pour changer de tenue. Cependant, nous sommes dans un film. Dans un film, un changement de costume est important. Il montre le passage du temps ou la survenue d’un évènement qui oblige le personnage à changer de peau.

Ici, la mort de Theodred pourrait parfaitement justifier le changement de costume, avec une Eowyn enfilant une robe de deuil.

Mais le hic est de la voir annoncer une mort déjà survenue dans une robe et veiller le corps dans une autre. La logique narrative voudrait qu’elle porte dans les deux scènes la même tenue, sanctionnant l’évènement traumatique qu’elle vient de subir.

Mais les aléas du montage et la décision de déplacer la scène avec Theoden plus tard dans le film rendent ceci impossible. Il s’agit donc bien d’une erreur de continuité, parfaitement assumée par la production du reste, qui n’avait guère le choix que de la laisser passer.

Je clos là la parenthèse sur cette « erreur ».

D’un point de vue strictement vestimentaire, la robe blanche reprend l’ADN de la robe verte, avec son encolure bateau, ses manches larges et sa ceinture, d’argent cette fois, identique à la précédente dorée.

Même sans considérer l’enchainement des scènes que je viens d’évoquer, le choix d’une robe blanche pour entrer dans une période de deuil est surprenant. D’autant plus lorsqu’ Eowyn arbore une tenue sombre pour les funérailles de son cousin, scène dans laquelle toutes les femmes portent le noir, faisant de cette couleur celle du deuil chez les Rohirrims.

Ce blanc éclatant est évidemment une référence au texte de Tolkien, mais il a aussi une fonction narrative pour le personnage d’Eowyn.

Ce blanc, elle le porte à trois reprises et demie dans la trilogie.

La première, ici donc, intervient alors qu’elle est vient de perdre son cousin. Son frère a été banni, son oncle n’est plus qu’un pantin muet. La voici seule à la cour, au fond du trou de son désespoir, à la merci de Grima. Contrairement au blanc utilisé dans les costumes d’Arwen, tout en transparences et en réflexions, le blanc de cette robe en laine d’Eowyn est uniforme, et froid. Il souligne sa blondeur et la pâleur de sa peau, créant comme un bloc de teintes très claires. Blanche Dame du Rohan, du haut du crâne jusqu’aux orteils…

Si dans la trilogie, Eowyn est un personnage assez émotif et un brin girly sur les bords, dans les livres elle est davantage froide et sévère, ne brisant l’armure que devant Aragorn et en une seule occasion. Le blanc froid qui la définit s’applique à son caractère, que ce costume évoque ici très explicitement. Il faut aussi écho aux mots que Grima choisit pour la décrire (des mots prononcés par Gandalf dans le livre).

Cette robe simple et blanche a aussi pour effet de souligner sa jeunesse et de la rendre presque fragile en apparence, vulnérable, en comparaison de l’effet produit par sa robe verte, plus royale, qui semble la définir comme un personnage d’importance à la cour. Ici, Eowyn n’est plus personne, elle est marginalisée et sa tenue est si dépouillée qu’elle semblerait presque être une sous-robe, destinée à être mise sous un manteau ou un surcot.
Le fait de sembler partiellement vêtue, comme dépouillé d’un uniforme, renforce l’état de fragilité dans lequel est plongé le personnage.

Eowyn n’aura l’air aussi peu vêtue que deux fois : la première durant la nuit où elle rêve de la vague géante (elle dort pieds nus, couverte d’un manteau, sur une banquette installée devant le foyer) et la seconde à Minas Tirith, lorsqu’elle regarde s’en aller l’armée du roi avec Faramir.

Je reviendrai sur ces deux tenues plus tard, mais je tenais à vous les signaler dès à présent afin d’appuyer cette idée d’un personnage dont la vulnérabilité est mise en scène via un costume minimaliste, presque un « sous-vêtement », ou quelque chose que l’on porte pour dormir.

Symboliquement, qu’évoque vraiment le blanc chez Eowyn ? Elle le porte pour Theodred, et s’en revêt à nouveau après le Gouffre de Helm, très brièvement, avec une chemise blanche aux très longues manches.

Ce costume apparait brièvement dans cette version au début du « Retour du Roi », lorsqu’Aragorn et Theoden revienne d’Orthanc. Eowyn se tient sur la terrasse devant Meduseld pour les attendre, figée, comme une statue. Un plan qui renvoie à son apparition, sur cette même terrasse, toujours en blanc, lors de l’arrivée de la Communauté dans « Les Deux Tours ».

Je reviendrai sur la symbolique du blanc pour les femmes dans la trilogie, un motif généralisé aux « gardienne de sanctuaire, mais je voulais juste insister sur l’idée que la première robe blanche a aussi pour fonction de mettre Eowyn en position de vulnérabilité. En effet, cette seconde tenue blanche est rehaussée par un torse en cuir marron, dont la dimension guerrière est évidente. Il nous montre alors une Eowyn plus combattive que dans le film précédent.

Cette longue chemise blanche portée sous un corset de cuir reparait à Dunharrow, la nuit du départ d’Aragorn pour le Chemin des Morts, mais cette fois avec une jupe marron.

Ce blanc apparait dans le contexte des batailles où de nombreux soldats sont morts. Une bataille passée, au Gouffre de Helm, et une bataille à venir à Dunharrow.

Enfin, dernière tenue blanche, la robe portée sous le manteau étoilé à Minas Tirith, dans les maisons de guérison, qui est certainement la robe qu’elle porte durant toute sa convalescence. Là aussi d’ailleurs, nous avons une tenue chargée d’exposer la vulnérabilité du personnage.

Si Eowyn porte toujours le blanc dans ces contextes plus ou moins tragiques (mort, veille ou lendemain de batailles), cette couleur est pourtant associée chez elle à l’espoir. Contrairement à Arwen dont une des forces motrices est l’espoir, Eowyn n’y croit guère pour elle-même. Sa vie a fini par la convaincre qu’elle et les siens étaient condamnés à une mort certaine, raison pour laquelle elle cherche une fin honorable au combat, se refusant à mourir sans rien avoir accompli de sa vie. Elle voit rarement se profiler les lueurs d’éclaircie, ce qui en fait une victime de choix du Souffle Noir, ce mal qui affecte ceux affrontant les Nazgul et les faits succomber au désespoir. Voilà pourquoi l’optimiste et solaire Faramir est l’homme parfait pour elle.

Pourtant, l’espoir entre peu à peu dans sa vie, bien qu’elle se refuse à le voir. Le jour de la mort de Theodred, c’est toute de blanc vêtue qu’elle assiste au retour de Theoden, libéré des griffes de Saroumane.

C’est en blanc qu’elle attend le retour de Theoden et d’Aragorn d’Orthanc, campée au sommet d’Edoras.

Elle porte sa chemise blanche alors qu’elle arme Merry pour la bataille, dans une scène plutôt joyeuse, qui préfigure d’ailleurs leur futur exploit contre le Roi Sorcier.

Observer le cadrage : pendant toute la partie où Eowyn est avec Merry, s’amusant avec lui, l’élément dominant de sa tenue est sa chemise blanche. La jupe marron n’est révélée que lorsqu’elle sort de la tente, et qu’Eomer lui claque son beignet, cherchant à doucher les velléités de sa sœur à partir au combat. Ce qui domine alors sur la silhouette d’Eowyn est le marron, le blanc diminué, l’espoir atténué par ce rappel brutal à la réalité.

Ce costume apparait aussi dans l’échange qu’elle a avec Theoden à l’aube, lorsque ce dernier lui commande de rester en arrière, contre sa volonté, alors que l’armée du roi s’apprête à chevaucher vers une mort certaine. Même costume lorsqu’elle tente d’empêcher Aragorn d’emprunter le Chemin des Morts.

Enfin, après avoir tué le Roi Sorcier, Eowyn est conduite mourante aux Maisons de Guérisons, où elle sera sauvée par Aragorn. On la vêt alors d’une robe blanche, un classique de la tenue de malade, certes, mais qui marque aussi pour la jeune femme une nouvelle étape de sa vie. Elle qui n’a jamais envisagé de survivre aux Champs du Pelennor, se voit offrir une nouvelle chance, une nouvelle vie. De la même manière que l’arrivée de Gandalf à Edoras a radicalement modifié une situation désespérée, son retour à la vie change du tout au tout ses perspectives d’avenir. Eowyn peut désormais espérer des jours meilleurs alors que l’espoir fait à nouveau irruption dans sa vie. Ce qui impose le blanc.

Le blanc semble donc être une couleur dual pour Eowyn. Il marque à chaque fois un évènement tragique de son existence, qui se révèlera pourtant être un pas de plus vers l’espoir et une amélioration globale de sa situation.

Je pense que l’on peut pousser le vice jusqu’à tisser un parallèle entre la symbolique associée au blanc chez Eowyn et un autre motif blanc très fort dans le culture des Rohirrim, la symbelmyne, cette fleur qui orne les tertres autour d’Edoras, symbole de la mort, mais aussi du renouveau.

Le film fait d’ailleurs lui-même cette analogie, puisque la fleur apparait dans une scène où Theoden en cueille une sur la tombe de son fils, alors que deux enfants (symbole de renouveau) arrivent épuisés depuis un village mis à sac par les forces de Saroumane (incarnation de la mort). Saroumane qui lui-même, porte exclusivement le blanc, et sème la désolation au nom d’un monde nouveau qu’il entend créer. Dans le même temps, Gandalf hérite de cette couleur après être passé par la mort, pour revenir en Terre du Milieu, porteur d’espoir.

Mais il y a une autre dimension au blanc, qui cette fois affecte moins Eowyn elle-même que la narration d’un point de vue général.

« Le Seigneur des Anneaux » comportent trois personnages féminins d’importance majeure. Chacune de ces femmes est associée à une étape du voyage de la Communauté faisant office de refuge. On y trouve un abri, panse ses plaies, prendre le temps de réfléchir à ses actions futures… Dans le livre, les trois dames régnant sur ces enclaves sont décrites portant des vêtements blancs. Enfin pas vraiment Arwen, qui porte une robe d’un gris clair. Mais sa description insiste lourdement sur la lumière stellaire qui se dégage d’elle, entre les gemmes blanches et scintillantes ornant ses cheveux, sa peau décrite comme blanche, et l’argent de sa ceinture. Les couleurs de Galadriel sont le blanc et l’or, quant à Eowyn, comme on l’a vu, sa première apparition dans les livres insiste sur sa robe blanche et ses cheveux blond pâle.

Il y a clairement un motif autour de ces dames régnant sur des havres de paix, gardiennes angéliques de lieux de repos, reconstruction, méditation, révélation, motif que Ngila Dickson s’est logiquement elle aussi appropriée.

Ce choix a du sens, d’un point de vue narratif, car ces trois femmes sont tout autant gardiennes de lieux de repos qu’elles sont des soutiens ou facteurs de changement pour les héros.

La robe de deuil.

Ce qui tendrait à prouver que la robe blanche n’a d’autre raison d’exister que pour construire le personnage d’Eowyn et enrichir un motif récurrent dans la trilogie, c’est bien la robe de deuil que la jeune femme porte pour les funérailles de son cousin.


Basiquement, nous avons là le même patron que pour la robe verte, au détail près du col montant (sans doute le même que pour la robe verte, mais fermé).

L’intérêt principal de ce costume semble être de définir les couleurs sombres comme celles du deuil chez les Rohirrims, puisqu’Eowyn porte ici un bleu marine très sombre, et se trouve entourée de femmes en noir ou elles aussi en bleu marine (très difficile à dire, mais l’idée est là).

Au milieu de ces femmes, la silhouette d’Eowyn se détache nettement par le luxe évident de sa tenue. Elle seule porte du velours, de l’or, un voile fin et léger posé sur une couronne et un chignon élaboré. Devant elle, des jeunes filles, aux cheveux défaits, derrière, des vieillardes la tête couverte de châles en laine.

Ce plan insiste sur une idée qui est au cœur de toutes les représentations d’Edoras depuis le début : il n’y a plus de forces vives. La capitale du Rohan est peuplée de personnes trop âgées ou d’enfants trop jeunes pour se défendre. Eowyn, seule femme adulte et jeune, enterre l’autre unique adulte jeune de la place forte (les visages de ceux qui portent son corps sont cachés, ce qui ne permet pas de déterminer leur âge).

On retrouve donc ici la définition du statut social d’Eowyn, plus une nouvelle manière de l’isoler dans le décor. Elle se détache cette fois par son âge, et cette singularité révèle l’état du royaume.

Les costumes de voyage.

Les costumes d’Eowyn sur la route du Gouffre de Helm sont assez basiques, ce qui mine de rien, en dit long, une fois encore, sur le personnage.

Le manteau, bien que relativement simple vu de loin, est une fois encore représentatif de son statut royal. Si sa couleur est modeste, il s’agit d’une pièce très travaillée, de cuir matelassé recouvert d’un motif floral, bordé de fourrure. Les larges manches du manteau, pas pratiques pour un sou, montrent bien qu’il s’agit d’un vêtement de dame de haut parage, ayant le luxe de pouvoir se payer du tissu supplémentaire pour se greffer deux ramasse-poussière au bout des bras.

Dans le même temps, le manteau s’arrêtant à mi-mollet, il est particulièrement adapté à une dame du Rohan, supposée monter à cheval.

De loin, le manteau ferait presque standard s’il n’était orné de cette broche au motif solaire. Mais dès que l’on s’attarde sur les détails, on constate qu’il s’agit bel et bien d’une pièce de grande qualité, sans doute très confortable.

Ce vêtement peut nous indiquer quelque chose du caractère d’Eowyn.

Prise au piège de la vie de cour, la jeune femme aspire à autre chose, enviant le sort de son frère, récoltant les honneurs pendant qu’elle change les bavoirs de son oncle sous le regard lubrique de Grima. On peut parfaitement envisager qu’elle associe les vêtements trop élaborés à cette prison qu’elle abhorre.

Si son premier costume avait pour fonction de nous la définir, le deuxième, la robe blanche, brillait par sa simplicité. Bien entendu, il affichait son luxe au travers des manches et des accessoires en or, mais il avait peut-être aussi une autre fonction, celle de nous montrer qu’Eowyn, au matin de la mort de son cousin, alors qu’elle n’a sans doute rien prévu d’autre que de le pleurer, opte pour un vêtement simplissime. Choix qu’elle réitère avec ce manteau. Bien entendu, sa garde-robe est luxueuse eut égard à son rang, mais dans l’ensemble, elle semble avoir un vrai penchant pour la simplicité au quotidien. On le reverra plus tard avec son costume du banquet.

Sous le manteau, une tenue ultra basique, ou presque.


Presque parce que les ligatures qu’elle porte aux manches rappellent celles dorées de sa robe blanche, et échouent donc à faire classer sa tenue dans le style « rustique ». Oui, il s’agit bien d’une tenue de voyage solide et pratique, mais ce détail nous rappelle subtilement qui est cette jeune femme.

Par la suite, on la verra prendre en charge les réfugiés, s’attachant les cheveux pour mettre la main à la pâte. Ce costume nous la montre comme une femme d’action, qui sait retrousser ses manches quand le besoin s’en fait sentir.

Étrangement, alors qu’elle doit se sentir reléguée aux tâches ingrates, elle démontre dans ces passages combien elle sa force de caractère et sa détermination en font une parfaite gardienne du Rohan, un rouage essentiel de la protection du peuple en temps de guerre.

Le banquet.

Pas de chance pour ce très beau costume, très peu mis en valeur dans le film, entre les plans tronqués sur Eowyn et l’éclairage à la bougie qui ne laisse guère en apprécier les détails.

Originellement, il s’agissait d’une robe bleu glacier toute simple, mais au dernier moment, Peter Jackson demande à Ngila Dickson de rajouter quelque chose pour créer un peu de texture. Un bon choix, compte tenu de l’éclairage de la scène. Le costume serait passé pour totalement standard dépourvu de ce qui s’avère être un gilet à longues manches brodé de pierres semi-précieuses.


Outre les broderies clinquantes, le motif floral apporte la texture qui aurait manqué à une robe de soie toute simple.

Ce choix est purement technique, et fait écho aux partis pris de Terry Dresbach sur la série « Outlander » qui joue avec la texture des étoffes des costumes et la variété des tissus afin de créer une silhouette identifiable même dans les faibles lumières procurées par les bougies des intérieurs et le timide soleil écossais des extérieurs. Dans l’escapade parisienne de la saison 2, elle a pu profiter de meilleurs conditions d’éclairages globales pour jouer sur les couleurs et les imprimés avec des tenues aux tissus brillants et beaucoup moins texturés.

Ici, c’est exactement le même combat, il faut impérativement donner du corps au costume pour que ce dernier existe avec un pareil éclairage. Un problème qu’encore une fois, elle ne rencontrait pas chez les elfes.

Détail intéressant qui appuie ce que je viens de dire : dans cette même scène, Legolas a tombé la veste et expose sa chemise d’un bleu très clair, assez similaire à la teinte de la robe d’Eowyn. Ornée de broderies ton sur ton, elle n’est pas particulièrement mise en valeur par l’éclairage.

Mais malheureusement, comme je l’ai dit plus haut, les plans choisis sur Eowyn ne mettent guère en valeur son costume, et rendent finalement presque inutile l’ajout du gilet.

En fin de soirée, Eowyn en a ras la coiffe et décide d’aller se coucher devant les gigantesques landiers du grand hall. Elle tombe le gilet, sans doute parce que ces plansont été tournés avant qu’on lui en colle un pour les besoin de la scène précédente, mais qu’importe, interprétons ça comme cette volonté de tendre vers une certaine simplicité chez elle.

Enfin, simplicité, il faut le dire vite quand on voit ce qui lui sert de couverture.

C’est que les nuits sont froides dans le Rohan, on a besoin de sa petite liquette en laine d’alpaga doublée de fourrure d’ours blanc, en toute simplicitay.

Bon, il est temps de parler de la couleur de cette robe. Eowyn marche à coup de couleurs franches, mais comme on l’a vu, le blanc est la couleur la plus forte la concernant, pour ce qu’elle représente et annonce.

Dans cette scène, elle porte un bleu très pâle. J’aborderai bientôt sa robe du couronnement, qui finalement suit le même schéma, avec son jaune d’or timide. Le blanc semble être le point de départ de ces deux costumes, qui se teintent de bleu ou d’or car ils marquent une évolution dans son personnage. Et dans les deux cas, la phase en question est un homme. Ici, Eowyn semble avoir gagné le cœur d’Aragorn, du moins le croit-elle (Theoden aussi en est persuadé, d’ailleurs). Le bleu pâle, timide, modeste pourrait bien ici symboliser cet amour déclaré naissant. Mais ce bleu est clair, désaturé, car il est issu du blanc, la couleur symbole d’Eowyn, apparaissant lors d’évènements importants de son parcours.

Il est intéressant de noter que si ce bleu peut représenter son amour naissant pour Aragorn, cette teinte froide entraine Eowyn vers quelque chose de tragique. Car non seulement cet amour ne sera pas retourné, mais c’est dans cette robe, alors que l’espoir semble pourtant pointer le bout de son nez, qu’elle fera ce rêve funeste de la vague.

Ce bleu est peut-être aussi un renvoi à ce costume d’Arwen.

Le bleu pâle d’Eowyn tendrait à montrer un amour à sens unique, exactement comme le bleu pâle d’Arwen dans la scène du rêve. Ok, il faut dire « sens unique » vite, mais rappelons que la scène en question est une réminiscence d’Aragorn ressassant après sa rupture avec Arwen. C’est son amour à lui qui s’exprime là, dans le souvenir de leurs moments partagés. Ici, c’est un peu la même chose. C’est le regard enamouré d’Eowyn qui fait exister l’amour qu’elle imagine naître entre elle et Aragorn. Même son oncle se laisse abuser.

Les feux d’alarme.

Ce costume ne fera qu’une brève apparition durant laquelle il sera assez mal mis en valeur, décidément, pas de chance, Eowyn.
Contrairement aux apparences il ne s’agit pas d’une robe noire mais d’un marron très sombre, dont l’encolure rappelle celle de la robe blanche tandis que les manches sont identiques à celles de la robe verte. Le tout doublé d’un satin bronze, avec une petite ceinture rouge et or pour couronner le tout.

A part respecter les fondamentaux de sa garde-robe, ce costume semble ne pas dire grand-chose. Enfin si, il doit certainement nous en dire des trucs mais là, il faut attendre encore un peu. Car Eowyn est ici habillée aux couleurs nationales, qui tournent beaucoup autour du marron, de l’or et du route, avec un peu de vert, absent ici du costume.

Plus intéressant à ce sujet, ce manteau :



Eowyn le porte alors que Theoden décide de quitter Edoras pour répondre à l’appel du Gondor. Et là, pour le coup, Eowyn est vraiment recouverte des couleurs nationales du Rohan. Manches marron brodées d’or, torse vert foncé, et la même ceinture rouge que sur la robe vue précédemment.

C’est là que l’analyse des couleurs devient intéressante. Parce que depuis le début, Eowyn n’a porté qu’une seule fois quelque chose évoquant aussi fort les couleurs du Rohan. Il s’agissait de sa robe verte dont, je l’ai dit, la fonction essentielle est de situer le personnage géographiquement et socialement. Depuis lors, Eowyn a porté du blanc, du bleu marine, des bleu et marrons (au Gouffre de Helm), du bleu glacier…

Toujours, le costume d’Eowyn a été essentiellement dédié à la faire sortir du lot, à l’isoler du reste des habitants d’Edoras.

Mais maintenant que le Rohan a retrouvé de sa superbe, Eowyn se fond dans le décor. C’est le signe que les choses vont mieux. Depuis qu’Eomer est revenu, Edoras semble s’être repeuplée de ce qui lui manquait alors, des hommes et des femmes jeunes (bien visibles dans les plans du banquet). Désormais, elle n’est plus seule, ni désemparée. Elle peut compter sur des alliés, son frère, Aragorn, son oncle. Au lieu de se distinguer, Eowyn fait désormais partie de la masse.

Et ce glissement du costume continue plus tard quand elle portera sur sa longue chemise blanche une jupe marron, comme pour en atténuer la singularité (on a vu plus haut que cette jupe masquant le blanc peut avoir aussi un autre rôle à jouer, mais bon, on fait de l’interprétation, c’est assez peu exact comme science, et avant tout une affaire de perception… Subjectivité toussa…).

Là où ça devient filou de la part de Ngila Dickson, c’est que cette appropriation des couleurs environnantes présage aussi de ce que fera Eowyn plus tard dans le film, endossant une armure semblable à toutes les autres pour s’en aller combattre, Rohirrim parmi les Rohirrim, les armées du Mordor.

Ces nouvelles couleurs sont donc tout sauf innocentes, elles préparent aux décisions futures du personnage. Elles montrent aussi sa volonté d’être de ce peuple, d’être au service de son royaume dont elle embrasse désormais les tons. Elle qui jusque-là se battait contre tous, désespérée, pour tenter de sauver ce qui restait de son oncle, se bat maintenant avec tous pour sauver le Rohan.

Les Maisons de Guérison.

Comme je n’ai rien de plus à dire sur le costume de bataille d’Eowyn vu tout ce qui j’ai pu baver plus haut, je vais directement passer aux Maisons de Guérison.

J’ai déjà évoqué ce costume, autour de la récurrence du blanc chez Eowyn.

Dans le passage où elle apparait à sa fenêtre avec Faramir occupé à la mater comme une vieux pervers, le blanc est aussi un rappel de l’aura angélique des femmes dans « Le Seigneur des Anneaux ».

Faramir est en effet un personnage très éprouvé. La mort de son frère, la folie de son père, les brimades incessantes infligées par ce dernier toute sa vie, le combat désespéré qu’il mène seul pour sauver le Gondor blabla, le pauvre vieux est sans doute totalement moulu à son réveil. Et là, bam, v’là qu’il tombe sur Eowyn, tactac, z’êtes bien charmante, 06 toussa…

Comme Arwen pour Aragorn à Rivendell, comme Galadriel pour toute la Communauté en Lorien, Eowyn devient pour Faramir la gardienne du havre de paix. Dans un sens symbolique très large puisqu’elle deviendra sa femme.

C’est donc bel et bien à quoi sert cette silhouette blanche nimbée de lumière à cet instant précis.

Merci à Eowyn pour dire tout haut ce que j’ai écrit tout ! Dans sa robe blanche de convalescente, la voilà qui se met à déprimer toute seule sur la ville silencieuse et froide, bref, sur la mort, recouverte d’un manteau bleu marine comme sa robe de deuil. Mais grâce à Faramir, la voilà qui se met à entrevoir une lueur d’espoir. Symbolique duale du blanc, check, elle a désormais un nouvel homme dans sa vie, il ne lui reste plus qu’à porter une couleur pâle…

Le couronnement.

BIMBADABIM

Un petit or pâle qui va bien, assorti aux cheveux s’il vous plait.
L’or évidemment, pour rappeler le Rohan, même si les tons dorés y sont d’ordinaire beaucoup plus soutenus.

Comme la robe bleu glacier du banquet, ce costume se distingue de tout ce qu’a porté Eowyn jusque là par sa teinte lumineuse.

Mais là où l’expression de son amour pour Aragorn était aussi douce et chiante qu’un bleu, l’or apporte un côté plus chaud, plus joyeux, plus approprié à la femme qu’elle va devenir. Car si le film se montre très laconique en la matière, dans les livres, la transformation d’Eowyn est plus spectaculaire, la jeune femme ressortant transfigurée des épreuves de la guerre et de sa rencontre avec Faramir. Cet or exprime ici très bien la manière dont ce personnage découvre finalement l’optimisme. Contrairement à la robe bleue, Eowyn bascule ici dans les couleurs chaudes pour exprimer son changement.

Accessoirement, il s’agit aussi du costume le plus élaboré qu’elle ait jamais porté.

On y retrouve les détails floraux, les broderies, des doubles manches, une ceinture et un manteau. Mon seul et éternel regret : les cheveux. Le chignon qu’elle portait aux funérailles aurait été parfait ici, achevant de rendre le tout carrément sublime.

Il est intéressant de mettre en parallèle les costumes d’Eowyn et Arwen pour cette occasion particulière.

Toutes deux portent des teintes pâles mais joyeuses, le vert pour l’une, le jaune pour l’autre. Des couleurs peu saturées, que j’ai déjà qualifiées de timides. Ces costumes sanctionnent également le renouveau qui s’opère pour le monde des hommes, aux portes du printemps. Si les couleurs ne sont pas éclatantes, elles sont néanmoins présentes, comme une promesse. Vert et jaune sont classiquement associées à l’idée de fertilité, d’opulence. Elles sont récurrentes chez les Hobbits, aussi bien dans le décor (les champs, les intérieurs) que dans leurs costumes.

Les voir présentes ici à Minas Tirith, est quelque part un hommage à la valeur des petits habitants de la Comté, et à la manière dont leur opiniâtreté et leur courage a permis de sauver le monde.

Ça vous semble tiré par les cheveux ?

Revoyez donc la scène, soigneusement éditée à la truelle par mes soins :

Les couleurs dominantes sont sombres. De loin, la foule semble vêtue de noir et de blanc (couleurs du Gondor). Même les elfes, arborent tous des tons très pâles, entre le beige et le gris. Finalement les deux seules tenues ressortant d’une masse de « bleh » sont celles verte d’Arwen et jaune d’Eowyn, écho aux tenues de Hobbits.

Remarquez d’ailleurs que Frodon est le seul à briser l’harmonie des couleurs en portant du rouge. Une couleur récurrente chez lui, certes, mais qui permet de l’isoler de ses camarades. Parce qu’il est le personnage principal, mais aussi parce que contrairement aux autres, Frodon n’est jamais réellement revenu de l’Orodruin.

Fun facts :

  • Pippin porte un gilet vert, Arwen une robe verte. Il est écuyer du Gondor, elle en est désormais la reine.
  • Merry porte un gilet doré, Eowyn une robe d’or. Il est écuyer du Rohan, elle en est la Dame.
  • Sam est pauvre.
  • Frodon porte un gilet rouge, qui peut symboliser son sacrifice.
  • Aragorn porte un foulard rouge, qui pourrait symboliser le sien.

Rappelons que dans le film, Aragorn n’a jamais été chaud patate pour reprendre le trône d’Isildur. Ni son épée d’ailleurs. En tout cas, il est manifeste que les deux personnages à la fin du film portent tous deux un poids. Cette couleur peut aussi tout simplement vouloir les lier, eux qui ont su établir une vraie relation de respect et de confiance. Accessoirement, comme on l’a vu dans le précédent Point Chiffon, le rouge sur Aragorn se réfère aussi à sa relation avec Arwen.

C’était le Point Chiffon…

Que dire en résumé des chiffons d’Eowyn ?

  • Le blanc est ici aussi une couleur hautement symbolique qui fait sert à définir le personnage comme dame gardienne d’un sanctuaire, mais qui a en plus un sens profond pour le personnage, jalonnant ses évolutions.
  • Il y a une constante dans la représentation des peuples humains de la trilogie : ils portent souvent des couleurs rappelant leurs drapeaux et/ou leurs emblèmes. L’idée est de rendre très aisée leur identification et de créer des visuels très forts. Une fois encore, les trois films de près de trois heures s’adressaient à un public très large qu’il fallait surtout ne pas perdre en cours de route. Eowyn suit ce schéma, avec globalement, une certaine constance à porter des teintes se référant au Rohan.
  • Outre le blanc qui a un sens bien spécifique, les couleurs claires renvoient chez elle à l’état amoureux, dont la réciprocité se définit par une couleur chaude (le jaune pour sa relation avec Faramir) opposée au bleu glacier, froid (pour Aragorn).
  • Le statut social se définit, même sur des tenues d’apparence très simples, par des manches larges ou des ornements sur celles-ci.

Pour la prochaine édition de cette rubrique, je ne sais pas trop vers quoi me tourner. Galadriel ne peut pas faire l’objet d’un billet entier, étant donné le peu de variété de ses costumes, tournant tous autour des mêmes idées, idées du reste déjà développées pour Arwen. Je pourrais aussi consacrer un billet aux vêtements masculins, car ces derniers varient très peu d’un bout à l’autre de la trilogie et pourraient être regroupés dans un unique billet.

Si vous avez un film à me suggérer, faites-moi signe.
Pour les séries, je vous avoue que c’est plus compliqué, en terme de temps à consacrer au visionnage. Mais ça peut s’envisager.

Sinon, j’ai commencé « Westworld » qui se trouve être intéressante du point de vue des costumes, avec un répertoire très simple, très clair, qui s’harmonise bien avec le concept même du parc.

Bref, j’écoute vos suggestions.
Kthxbye

Le bonus du fond du tiroir :

J’écris ce bonus, comme le précédent d’ailleurs, quelques années après la parution d’origine de cet article, profitant de suggérer ces deux articles sur la page Facebook « Le Seigneur des Anneaux la série » pour leur ravaler un peu la façade. Si vous lisez cet article à cause de la dite page : coucou.

Et maintenant, l’histoire…

Le 19 avril 2019, Miranda Otto casse l’Internet. Sur son profil Instagram, l’interprète d’Eowyn publie de temps à autre des photos personnelles issues du tournage de la trilogie. Mais ce jour-là, ce n’est pas une simple photo qui tombe, mais une bombe :

Je sais ce que tu te dis : « Eowyn dans une robe blanche… Original. »

OH MY SWEET SUMMER CHILD………

Ce que vous avez sous les yeux, c’est bien un cliché des coulisses de mariage d’Eowyn et Faramir qui a donc été tourné et fait l’objet de suffisamment d’attention de la part de tout le département costume pour Ngila Dickson qualifie elle-même son travail sur ces costumes de « son meilleur de toute la trilogie« .

Et pourtant, jusqu’à ce jour d’avril de l’an de grâce 2019, il n’en existait aucune image.

La couronne de Faramir, exécutée spécifiquement pour ce costume, est le seul élément de cette scène qui avait jusque là été révélé au public, lors d’une exposition, associé à un autre costume. Au couronnement d’Aragorn, on remarquera qu’il ne la porte pas. Eomer non plus ne porte pas la sienne, d’ailleurs. C’est marrant, je viens juste de le remarquer.

Mais bref, la robe d’Eowyn, surnommée « the beaded wedding dress » (la robe perlée), a longtemps été un item légendaire dont on avait fini par se résigner à ne jamais le voir.

Alors est-ce que cette robe est à la hauteur de son mythe ? Bah pas qu’un peu les gars. Certes, on reste et dans une palette commune pour le personnage, certes, on reste dans le plus pur style du Rohan mais bon sang de bois, les perles dévalent sur toute sa personne, ça scintille comme l’uniforme d’un général soviétique en fin de carrière, et pourtant, ça semble fluide, léger.

Pour revenir rapidement sur la couleur de la robe, elle reste à la fois dans la logique que Dickson s’est fixée, à savoir conserver des marqueurs symboliques, comme on l’a vu avec la robe d’Arwen, très claire pour son mariage, tout en respectant le rôle du blanc dans le cheminement d’Eowyn. Comme toutes ses autres robes de cette couleur, celle-ci marque un passage, un évènement déterminant de son existence.

Non, ça valait le coup d’attendre 16 ans. Définitivement.

11 commentaires Ajoutez les votres
  1. C’est quand même incroyable à quel je me sens con quand je lis ces articles chiffons… Je suis tellement bonne poire que, même après avoir lu les livres, je ne me penche pas une seule fois sur les costumes portés dans les films… -_-

    En attendant, paradoxalement et peut-être parce que je ne peux pas me saquer la Liv Tyler, je trouve les costumes d’Eowyn plus intéressants et aussi plus représentatifs justement du peuple qui a inspiré Tolkien. Sauf erreur de ma part, les costumes attribués aux Rohirrims sont les plus médiévaux mais dans le sens « early Middle-Ages »… Ils me font en effet assez penser aux costumes choisis pour les habitants du Wessex et Northumbria dans la série Vikings. 😉

    Bref, mon personnage féminin préféré a des robes sublimes!

  2. C’est quand même incroyable à quel je me sens con quand je lis ces articles chiffons… Je suis tellement bonne poire que, même après avoir lu les livres, je ne me penche pas une seule fois sur les costumes portés dans les films… -_-

    En attendant, paradoxalement et peut-être parce que je ne peux pas me saquer la Liv Tyler, je trouve les costumes d’Eowyn plus intéressants et aussi plus représentatifs justement du peuple qui a inspiré Tolkien. Sauf erreur de ma part, les costumes attribués aux Rohirrims sont les plus médiévaux mais dans le sens « early Middle-Ages »… Ils me font en effet assez penser aux costumes choisis pour les habitants du Wessex et Northumbria dans la série Vikings. 😉

    Bref, mon personnage féminin préféré a des robes sublimes!

  3. @ Bigregirl : c’est exactement ça, l’inspiration pour Eowyn. Comme le choix a été fait de ne baser les elfes sur aucune culture, les costumes d’Arwen sont moins « marqués » même s’ils y a de vrais références culturelles dans la mode des elfes, mais elles sont propres au film. Comme l’idée des couronnes pointant vers le bas et non vers le haut, par exemple.

  4. @ Bigregirl : c’est exactement ça, l’inspiration pour Eowyn. Comme le choix a été fait de ne baser les elfes sur aucune culture, les costumes d’Arwen sont moins « marqués » même s’ils y a de vrais références culturelles dans la mode des elfes, mais elles sont propres au film. Comme l’idée des couronnes pointant vers le bas et non vers le haut, par exemple.

  5. Rubrique très intéressante et bien étudiée ce Point Chiffon. J’en attends d’autres avec impatience.

    Un petit détail que je me permets d’ajouter: le bleu clair porté par Eowyn au début du RdR et Arwen pendant le rêve d’Elessar dans les Deux Tours évoque le rêve dans les deux scène. En effet le bleu est une couleur qui rappelle également la sérénité et le songe. Eowyn divague dans son amour qu’elle pense réciproque, et Aragorn rêve d’Arwen.

    Voilà ce n’est qu’un petit point mais tout de même à relever car c’est un des attribus qu’on associe souvent au bleu, chose que l’on retrouve également dans La La Land. Je conseille la vidéo du Fossoyeur sur ce sujet qui est un genre de point Chiffon sur les costumes du film.

    1. Merci bien 🙂

      C’est en effet une interprétation possible pour le bleu ici, bien vu !

      Concernant la vidéo du Fossoyeur sur « Lalaland » (qui traite des couleurs en général, pas des costumes en particulier, d’ailleurs), justement, je ne suis pas d’accord sur son interprétation du bleu qu’il associe exclusivement au côté rêveur de Mia, quand j’y vois plus un symbole de l’échec. Le bleu est aussi connoté comme la couleur du regret, de la mélancolie. Mais c’est subjectif.

      J’ai écrit un billet sur les costumes de « Lalaland », mais je ne sais pas si ça vaut le coup de le publier.

  6. Rubrique très intéressante et bien étudiée ce Point Chiffon. J’en attends d’autres avec impatience.
    Un petit détail que je me permets d’ajouter: le bleu clair porté par Eowyn au début du RdR et Arwen pendant le rêve d’Elessar dans les Deux Tours évoque le rêve dans les deux scène. En effet le bleu est une couleur qui rappelle également la sérénité et le songe. Eowyn divague dans son amour qu’elle pense réciproque, et Aragorn rêve d’Arwen.
    Voilà ce n’est qu’un petit point mais tout de même à relever car c’est un des attribus qu’on associe souvent au bleu, chose que l’on retrouve également dans La La Land. Je conseille la vidéo du Fossoyeur sur ce sujet qui est un genre de point Chiffon sur les costumes du film.

  7. @ Mazdar : merci bien 🙂
    C’est en effet une interprétation possible pour le bleu ici, bien vu !
    Concernant la vidéo du Fossoyeur sur « Lalaland »(qui traite des couleurs en général, pas des costumes en particulier, d’ailleurs), justement, je ne suis pas d’accord sur son interprétation du bleu qu’il associe exclusivement au côté rêveur de Mia, quand j’y vois plus un symbole de l’échec. Le bleu est aussi connoté comme la couleur du regret, de la mélancolie. Mais c’est subjectif.
    J’ai écrit un billet sur les costumes de « Lalaland » mais je ne sais pas si ça vaut le coup de le publier.

  8. Article génial en tout point, bien fourni avec la petite dose d’humour qui le rend hyper agréable à lire. Je regarderais pour la millième fois le Seigneur des anneaux avec un œil nouveau et c’est trop bien ! Après 20 ans, faut le faire ^^
    Par contre, tout ce que mon idiot de cerveau retient c’est : QUOI, COMMENT ÇA on a FAILLI avoir le mariage d’Eowyn et Faramir à l’écran, mes deux personnages favoris ever, et on ne l’a PAS EU ?! Genre, même pas dans la version longue ou dans les bonus et je ne savais même pas que cette scène avait été envisagée. Maintenant, j’ai tellement envie de voir ce qu’ils ont tourné xD
    Bref, merci encore pour ce fantastique article passionnant, j’en ai appris beaucoup 😀

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